On la trouve partout sur les bancs de messe ! Même si le nom de Maïte Roche ne vous dit rien, il y a peu de chance que vous ne soyez pas familier avec le style de ses dessins. Depuis vingt ans, ils illustrent de nombreux livres de catéchèse et d’albums pour les enfants. La voici à nouveau au travail sur l’un de ses thèmes préférés, la nuit de Noël : “C’est une belle voie d’accès pour ceux qui sont loin de la foi”.
Trouvez la colombe
C’est une constante, quand elle parle de son travail. Elle dessine pour les enfants, mais il faut que tout le monde se retrouve “même le théologien de 85 ans”, assure-t-elle. Elle cache souvent une colombe dans ses tableaux et les plus jeunes enfants s’amusent à la chercher. Mais ce jeu n’est pas qu’un simple “trouvez Charlie” ; quand l’enfant grandit, il peut comprendre que cette colombe est une représentation de l’Esprit-Saint, un symbole de sa présence.
Un langage universel
Ses maîtres sont Rembrandt, pour la vibration, Fra Angelico pour la limpidité de ses œuvres… La simplicité, son maître mot : “il ne faut pas surcharger… Rien d’inutile ! Que la lumière passe !”. Comme les peintres de l’art roman, elle travaille pour ceux qui ne savent pas lire. À mille ans de distance, le même souci pédagogique produit des œuvres qui se ressemblent. En tant que catéchiste, elle a beaucoup appris, sur les attitudes à adopter pour capter l’attention des jeunes enfants. Elle représente des personnages de leur âge, leur donne des attitudes et des expressions nourries de son expérience. Elle sait aussi ce qui les amuse, et elle prendra soin, par exemple, de mettre des bougies dans les mains de ceux qu’elle dessine, pour que le jeune lecteur retrouve l’expérience des veillées et des processions. “Les bougies, ça marche bien ! Les enfants aiment bien retrouver des objets qu’ils aiment manipuler, qui les fascinent”.
La catéchèse au bout du pinceau
Le dessin est un outil de catéchèse inestimable, et de ce côté, il y a du travail à faire ! “Il n’y a pas de raison que les enfants connaissent mieux Astérix que Jésus !”, s’insurge Maïte Roche, qui considère la transmission de la foi aux enfants comme sa mission. Elle n’envisage jamais de faire de “l’art pour l’art” : à ses yeux, l’art est un langage qui permet de transmettre un message, des émotions. Elle veut que ses images soient aussi intenses que possible, que ses paysages donnent envie d’aller les visiter. Quand c’est possible, elle essaie de mettre ses lecteurs au cœur de l’action, par exemple, elle place le point de vue dans la crèche, pour qu’on ait le sentiment de participer à la scène.
Dessiner Dieu
Il a fallu passer un cap, quand Maïte Roche a dû, pour la première fois, dessiner la Sainte Famille, en particulier Marie. Mais la solution est venue en l’imaginant vivre : “C’est une toute jeune fille, pleine de confiance en Dieu, toujours ouverte et accueillante”. Et la main a progressivement suivi la pensée.
Le secret de l’atelier
Dans son atelier, aménagé sous le toit d’un antique grenier à grains, avec pour seule compagnie les pies qui viennent parfois taper aux carreaux, elle peint à même ses toiles. Ses crayonnés ne servent que de croquis préparatifs et elle s’en écarte souvent. Pas question de “gomme numérique”, elle travaille à l’ancienne, acceptant les imprévus qui adviennent toujours chez les artisans. La main, à force d’exercice, devient intelligente, liée directement à la pensée, une harmonie qu’elle ne retrouve pas avec les logiciels. La concentration, quant à elle, vient progressivement, accompagnée d’un peu de musique ou même d’une émission de radio…
“En dessinant, on devient très attentif aux sons, à la parole”, explique-t-elle. Puis quand une partie du tableau réclame toute son attention, elle oublie tout, le son de la radio, l’odeur de térébenthine et même, parfois, de respirer ! Le dessinateur n’a pas le droit de s’ennuyer, au risque d’ennuyer son lecteur, et même des mains instruites par des années de pratique n’épargnent pas de recourir sans cesse à l’imagination et à la créativité. Pour ne pas s’endormir, elle change parfois de dimension peignant des fresques sur ses murs. Elle ressent aussi le besoin d’échanger ses pinceaux pour l’argile et s’adonne à la gravure. Malgré sa bibliographie chargée, elle a encore des projets plein la tête… et des commandes plein ses tiroirs !