Accusé d’avoir insulté l’islam, le gouverneur Basuki Tjahaj Purnama risque jusqu’à 5 ans de prison ferme — et sa potentielle future place de président.
Le gouverneur d’origine chinoise Basuki Tjahaja Purnama, surnommé Ahok, est en procès depuis ce mardi. En cause : une déclaration jugée blasphématoire qui est mal passée dans le pays musulman le plus peuplé du monde, l’Indonésie.
Le premier chrétien de Jakarta depuis plus de 50 ans, subit depuis de fortes représailles médiatiques, par les vagues de contestation organisées et sa baisse de popularité dans les sondages. Des milliers de musulmans radicaux (plus de 100 000 personnes) ont manifesté plusieurs fois dans la rue, finissant parfois de manière très violente avec la police. Ils sont allés jusqu’à demander devant le tribunal, où la sécurité a été renforcée, la condamnation du gouverneur chinois pour avoir insulté l’islam. Son franc-parler lui coûte cher puisqu’il risque d’encourir jusqu’à cinq ans de prison ferme.
Un verset du Coran met le feu aux poudres
Les propos estimés comme des écarts de langage visaient le verset 51 de la cinquième sourate du Coran : “O croyants ! ne formez point de liaisons avec les juifs et les chrétiens. Laissez-les s’unir ensemble. Celui qui les prendra pour amis deviendra semblable à eux, et Dieu n’est point le guide des pervers” [traduction de Claude-Étienne Savary, ndlr] . Ahok déclarait quelques semaines plus tôt que certains oulémas (théologiens musulmans) interprétaient mal le verset en question, selon lequel un musulman ne doit élire qu’un dirigeant musulman.
“Mes propos visaient avant tout certains politiciens qui se réfèrent de manière erronée à ce verset”, se justifie-t-il pour accuser ceux qui s’en emparent pour détourner les règles légales dans les élections, afin d’affaiblir le poids politique des minorités. Lors de son audience devant les juges, une grande émotion s’empare de lui, il pleure. “Je sais que je me dois de respecter les versets sacrés du Coran. Je ne comprends pas comment on peut me reprocher d’avoir insulté l’islam. Pour moi ce serait la même chose que d’insulter mes grands-parents, ma propre famille”, tente-t-il d’expliquer en mettant en avant sa double minorité, chinoise et chrétienne.
Dans un pays qui garantit dans sa Constitution la liberté de culte et qui n’a pas l’islam comme seule religion officielle, l’interprétation de ces propos semble excessive. Mais ce procès à caractère religieux ainsi que la plus grosse manifestation du 4 novembre qui l’a provoqué ne forment qu’un miroir aux alouettes pour masquer une manœuvre politique. Basuki Tjahaja Purnama dérange par ses ambitions nationales et le poste de gouverneur étant un tremplin pour la présidentielle de 2019, saper sa campagne actuelle raccourcit sa course. Elle pourrait même s’arrêter là.
Favori avant cette affaire, il est désormais en seconde place des sondages, et même une décision judiciaire en sa faveur ne pourrait effacer l’éclaboussure médiatique diffusée dans tout le pays. Selon Le Figaro, cette affaire est considérée par de nombreux observateurs comme un test pour la tolérance religieuse en Indonésie, depuis les charges accrues contre les minorités de ces derniers temps. La stratégie électorale et la montée de l’islamisme radical pèsent lourd de l’autre côté de la balance.
Lors de la dernière audience, mardi 20 décembre, il a été décidé que le procès serait suspendu jusqu’au 27 décembre. Ahok n’a plus qu’à espérer que le verdict final sera plus juste que politique.