Entre caprice, besoin et individualité, les envies sont un écheveau qui se mêle aux désirs. À combien d’envies succombez-vous chaque jour ? Quelle est leur importance ? Leur récurrence ? À quelle place les mettez-vous dans votre vie ? Autant de questions intéressantes à se poser, non pas pour régner davantage tel un prince tyrannique et sans lois au détriment des autres, mais pour mieux se connaître, et se respecter peut-être ? La frontière entre envies et désirs est parfois ténue, voire même invisible, mais on peut essayer de s’y retrouver.
Les envies se trouvent à des échelles différentes, en qualité et en importance. En qualité, il s’agirait plutôt de les classer selon leur finalité. Plus l’envie est liée à votre identité, votre liberté et votre avenir, plus elle est importante. Entre l’éthique et la durée donc, une envie holistique en quelque sorte et qui englobe tout votre être. Plus elle s’approche de l’émotion, de l’éphémère et du relatif, moins l’attention à lui porter sera grande, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a ni légitimité ni importance. Vous pouvez, à un moment donné, ne pas avoir envie de sortir, ne pas avoir envie de manger telle ou telle chose mais plutôt une autre, par exemple. Elles peuvent aussi surgir spontanément, sortir du fond de soi, quand notre avenir rejoint notre présent sans qu’on le connaisse, selon le mot de Nietzsche : “C’est notre avenir qui détermine notre présent”. Tout l’équilibre est de l’ordonner un minimum vers un bien, afin qu’elle ne conduise pas à la démission de la volonté et à une forme d’anarchie. Si vous préférez ne jamais faire de choix et vous laisser porter, à la longue vos envies vous desservent plutôt qu’autre chose.
Dans L’homme sauvage et l’enfant, qui décrit les étapes du chemin initiatique de l’homme, Robert Bly insiste sur la nécessité de retrouver ses désirs propres, parfois enfouis, silencieux ou éteints. “Homme sauvage” ne signifie pas sauvagerie, mais le lieu en chacun où se trouvent les ressources nécessaires à l’évolution psychique et physique depuis l’enfance. L’évolution de l’âme en quelque sorte, mais incarnée. L’auteur nomme “Roi intérieur” l’identité reconnue qui permet de jouir ensuite de sa place dans le monde et alors de pouvoir se mettre au service d’un plus grand Roi, d’une cause supérieure.
“Si l’on y regarde de près, le processus qui permet de redonner vie au Roi intérieur consiste toujours, dans sa phase initiale, à prêter attention à ses menus désirs, à découvrir ce que l’on aime vraiment. William Stafford écrit qu’il revient à enrouler “l’extrémité du fil d’or” autour de nos doigts : nous remarquons les tournures d’esprit ou les tours de phrase qui nous plaisent particulièrement, nous nous rappelons à quarante ou cinquante ans quel type d’homme ou de femme nous sommes réellement, nous nous souvenons tout à coup du bonheur de notre enfance, avant que nous consacrions nos vies à contenter autrui, à couver nos semblables ou à faire leurs quatre volontés. (…) L’étape suivante ne consiste pas (en tout cas, dans un premier temps) à prendre de fermes résolutions, mais à pleurer longuement la mort de notre Roi intérieur et de ses valeureux guerriers. Une fois qu’il a été retrouvé, le Roi intérieur ne survit que s’il est nourri et honoré comme il se doit, et il appartient à chaque être humain, qu’il soit homme ou femme, de découvrir comment s’y prendre”.
Finalement, les envies peuvent nous dire des choses de nos désirs, et en cela sont déjà des prières pour y parvenir.
Saint Augustin attire particulièrement l’attention sur le désir quand il écrit : “Il y a une grande différence entre le refoulement du désir par l’âme désespérée et son expulsion de l’âme guérie”.