La proposition de résolution du sénateur Bruno Retailleau (LR) a été adoptée mardi 6 décembre par 309 voix. « Ces populations espèrent en nous » : c’est par ces mots touchants que Bruno Retailleau, sénateur républicain de la Vendée, a appelé les sénateurs à voter la résolution incitant le gouvernement à utiliser toutes les voies de droit pour faire reconnaître les crimes perpétrés en Syrie et en Irak.
« J’ai été frappé lorsque je me suis rendu en Irak de la réaction des populations locales lorsque l’interprète leur disait que j’étais Français. Je voyais une petite lueur s’allumer dans leur regard. C’était une lueur d’espérance » a-t-i l poursuivi, avant de rappeler la responsabilité particulière qui est celle de la France. Depuis le « pacte scellé par Saint-Louis il y a de cela huit siècles », la France se doit d’être la protectrice des minorités.
Les sénateurs ont reconnu cette responsabilité. Ils se sont succédé à la tribune pour relater le martyre des yézidis et attester de sa nature génocidaire. Les mercenaires de l’État islamique (EI) ont voulu effacer toute trace de la présence très ancienne des chrétiens dans la région. « Les églises qui ne sont pas détruites sont transformées en prison, les écritures brulées, les statues brisées, les clochers rasés, les maisons marquées de la lettre “n” comme “nazaréens”, et les prêtres sont tués. » a décrit solennellement Bernard Fournier, sénateur (LR) de la Loire.
Alors que l’Irak comptait plus d’un millions de chrétiens en 2003, il n’en reste plus que 400 000 en 2014. En Syrie, au moins 500 000 yézidis auraient déjà fui le pays. Ces faits, a estimé Bruno Retailleau, justifient, en vertu du droit international, de dire que « l’État islamique s’est rendu coupable de crimes contre l’homme, de génocides, de crimes de guerre. »
Une résolution adoptée à l’unanimité
Certains sénateurs n’ont néanmoins pas souhaité prendre part au vote, considérant que les auteurs de la résolution avaient focalisé leur texte sur la responsabilité de l’EI et les victimes chrétiennes, sans faire mention du massacre des civils d’Alep par le régime syrien. « Prenons garde que notre condamnation de ces crimes ne varie pas avec l’origine des victimes. » a déclaré Bariza Khiari, sénatrice (PS) de Paris, tout en affirmant qu’elle voterait la résolution. Malgré ces abstentions, la résolution a été adoptée par 309 voix, soit à l’unanimité des votes exprimés.
Cette reconnaissance, déjà accordée par l’Organisation des Nations Unies (ONU) par la voix de son secrétaire général, Ban-Ki Moon, et par le Sénat américain, n’a aucune portée légale. Elle vise à attirer l’attention du gouvernement sur la nécessité de rendre justice en Syrie et en Irak, afin de préparer la « réconciliation », nécessaire à tout « retour » des chrétiens d’Orient dans leur pays.
Or, en l’état actuel, la Cour Pénale Internationale (CPI), qui statue sur les crimes de guerre, ne peut se saisir de l’enquête sur les crimes commis par Daesh en Irak et en Syrie. Elle ne peut rendre justice que sur les territoires des États signataires de la convention de Rome, dont ne font pas partie l’Irak et la Syrie. Mais, expliquent les auteurs de la résolution, elle peut également être saisie si l’un des auteurs du crime est ressortissant d’un État signataire. Ainsi, en reconnaissant le statut de crime international aux exactions commises sur la communauté yézidies, le gouvernement français pourrait user de diplomatie pour demander à la CPI d’enquêter sur les actes commis par des « combattants étrangers » français. Une lueur d’espoir, donc.