Dans son dernier film, la Chute des hommes, Cheyenne-Marie Carron ose le thème du terrorisme islamiste. La Chute des hommes a ce parfum particulier des films de Cheyenne, comme dans l’Apôtre ou dans Patrie, la faiblesse du budget – 100 000 euros pour La Chute des hommes – devient une qualité de l’œuvre, dépouillée, concentrée sur ses personnages. Trois personnages en l’occurrence, qui à travers leurs péripéties “tombent” par leur faute ou celle des autres.
Un air de Syrie
Lucie, une jeune fille passionnée par les parfums, part pour un voyage d’études dans un pays du Moyen-Orient. Enlevée par un groupe de djihadistes, ses rêves d’Orient s’effondrent en même temps que deux personnages : le chauffeur de taxi, qui l’a livré, et un djihadiste français. Chez Cheyenne, ce n’est pas l’argent qui mène le monde mais la recherche de la beauté, du sens de l’honneur. Bafoués par les hommes qui “chutent” en s’attachant à une idéologie mortifère qui leur interdit de penser, d’être indépendants et de rester des hommes.
Dans la tête d’un djihadiste
Le film entre dans le quotidien des djihadistes, présentant leur vie quotidienne, peu trépidante. Ils attendent le martyre, et se racontent les mythes islamiques guerriers. Ils ne seraient pas dénués d’une certaine esthétique guerrière sans leur absence totale de remise en question, et leur mépris pour tout code de l’honneur. Ils sont là pour détruire, dominés par des “pulsions de mort infâmes” pour reprendre les termes de la réalisatrice. Malgré la dureté de son thème, Cheyenne-Marie Carron présente trois personnages qui cherchent la beauté ou la rédemption, ce qui fait dire à certains commentateurs qu’elle est naïve. Et ça l’agace “avec mon passé d’enfant de l’assistance, je serais une naïve ?” Elle préfère parler de bienveillance. Il lui semble que, pour beaucoup de ses contemporains, vouloir tirer le téléspectateur vers le haut est une preuve d’ingénuité. Plagiant Dostoïevski, elle assure au contraire que “la beauté sauvera le monde”. Et son parcours de vie est à l’image de son discours idéaliste. Elle continue à produire des films “pour la beauté du geste”, forte de sa foi indéfectible dans le cinéma comme moyen d’expression. De sa foi chrétienne aussi, qui charge tous ses films de sa spiritualité, exprimée de façon très esthétique. Dans La Chute des hommes elle se devine en particulier par une icône au destin singulier et un chant à la Vierge Marie, tous deux venus d’Ukraine.
Les guérilleros du grand écran
Vu les thèmes qu’elle traite, la réalisatrice a peu de chance d’obtenir des subventions, et se débrouille. Dans son combat pour des causes très incorrectes, comme la conversion d’un musulman au christianisme ou le besoin d’identité, elle recourt à sa version de la guerre asymétrique. À chaque nouveau film, le studio parisien encombré de cartons de Cheyenne-Marie Caron se mue en quartier général de guérilla cinématique. Ses acteurs sont des volontaires de choc, prêts à jouer, souvent sans autorisation de tournage, dans des conditions aléatoires. Elle raconte une anecdote, dans une forêt française, qui sert de cadre à la Chute des hommes : “Lorsque des badauds passaient devant nous, je demandais aux acteurs de planquer les répliques de Kalachnikov pour ne pas les effrayer”. Il y avait de quoi inquiéter les promeneurs : une bande de barbus, au milieu de nulle part, grimés en djihadistes… La réalisatrice s’en sort en affirmant qu’elle “filme une histoire d’amour”.
Le DVD est disponible à la vente sur le site de Cheyenne Marie Carron.