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Les origines chrétiennes de l’islam

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Valerio Evangelista - Aleteia Italie - publié le 21/11/16
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Quel rôle a joué le christianisme dans la naissance et le développement de la spiritualité islamique ?

L’islam et le christianisme ont des liens historiques et des traditions communes, bien que de toute évidence, de nombreux points d’incompatibilité existent à un niveau théologique et doctrinalCes deux religions nées au Moyen-Orient sont des religions monothéistes. Elles sont classées comme des religions abrahamiques, c’est-à-dire que le patriarche Abraham (en arabe Ibrahim) fait partie de leur histoire sacrée.  

Les juifs et les chrétiens sont considérés par les musulmans comme « les peuples du Livre », c’est-à-dire comme des peuples ayant des textes reconnus par l’islam comme étant d’origine divine : la Torah pour les juifs et l’Injil (Évangile) pour les chrétiens. 

Le prophète Mohammed vit en Arabie entre le VIe et le VIIe siècle. Il a de nombreux contacts avec les juifs et les chrétiensDans son Ashtiname – ou Testament – Mohammed souligne que la protection des chrétiens est fondamentale, comme on le voit ci-dessous dans un extrait d’une lettre de Mohammed à ces émissaires :

« Ceci est un message de la part de Mohammed ibn Abdoullah, constituant une alliance avec ceux dont la religion est le christianisme ; que nous soyons proches ou éloignés, nous sommes avec eux. Moi-même, les auxiliaires (de Médine) et mes fidèles, nous nous portons à leur défense, car les chrétiens sont nos citoyens. Nulle contrainte sur eux, à aucun moment. Leurs juges ne seront point démis de leurs fonctions ni leurs moines expulsés de leurs monastères. Nul ne doit jamais détruire un édifice religieux leur appartenant ni l’endommager ni en voler quoi que ce soit pour ensuite l’apporter chez les musulmans. Quiconque en vole quoi que ce soit viole l’alliance de Dieu et désobéit à Son prophète. En vérité, les chrétiens sont mes alliés et sont assurés de mon soutien contre tout ce qui les indispose. Nul ne doit les forcer à voyager ou à se battre contre leur gré. Les musulmans doivent se battre pour eux si besoin est. Leurs églises sont sous la protection des musulmans. Nul ne doit les empêcher de les réparer ou de les rénover, et le caractère sacré de leur alliance ne doit être violé en aucun cas. Nul musulman ne doit violer cette alliance jusqu’au Jour Dernier. »

Les nombreuses relations entre les premiers musulmans et les autres religions monothéistes

Beaucoup de textes extrêmement riches ont été rédigés sur les nombreuses relations entre les premiers musulmans et les autres religions monothéistes. Nous ne nous étendrons pas davantage sur ces écrits. Cependant, il est intéressant de connaître les convergences detraditions et dehistoires de ces religions, et ainsi de mieux comprendre les racines chrétiennes de l’Islam

Depuis le XIXe siècle, les chercheurs européens (principalement allemands, mais aussi italiens, français, hongrois et britanniques) ont commencé à examiner le Coran avec la même approche habituellement réservée à l’Ancien et au Nouveau Testament. Ils se sont donc demandés lequel du judaïsme ou du christianisme avait le plus contribué au développement de la théologie islamique telle que nous la connaissons. 

Dans son livre The Origin of Islam in Its Christian Environment (Edinburgh, 1925), Richard Bell a écrit « Tant le judaïsme que le christianisme ont joué un rôle important dans le développement de la doctrine islamique. Il est reconnu que ces deux religions ont préparé le terrain au niveau spirituel pour la réception du message islamique. Il est difficile d’établir une influence prédominante de l’une ou l’autre de ces religions, car elles ont beaucoup d’éléments communs ». 

L’écrivain italien Dante Alighieri, dans l’Enfer de la Divine Comédie, rencontre un homme avec un corps mutilé et ses entrailles se déversant à l’extérieur de son corps : « Vois comme je me déchire : vois Mohammed comme il est estropié. »  (XXVIII, vv. 30-31). Dante met Mohammed et Ali  parmi les semeurs de discorde, en leur reprochant non pas de professer une fausse religion, mais d’avoir causé la séparation de la communauté des hommes. Comme beaucoup de chrétiens médiévaux, Dante Alighieri considérait l’islam comme une forme schismatique du christianisme, plutôt que comme une autre religion.

© Wikimedia

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Jésus, considéré comme un simple prophète

L’un des principes fondamentaux de l’islam est lunité absolue (Tawhid en arabe) qui rend inacceptable le concept de Trinité (ce qui est valable pour la foi islamique, comme pour le judaïsme.) Dans l’islam, Jésus est considéré comme le Messie, comme le prophète et le messager de Dieu, à respecter et à aimer. Mais il n’est pas considéré comme le Fils du Très-Haut et on ne lui reconnaît aucune divinité. L’Esprit Saint, lui, est identifié à l’ange Gabriel (Jibril en arabe) qui – bien qu’il n’ait aucun attribut divin – est chargé de transmettre la Révélation aux prophètes.

Au-delà des ces aspects intrinsèquement différents entre l’islam et le christianisme (qui rendent il me semble une conciliation théologique, doctrinale ou sotériologique difficile), il est intéressant de se pencher sur la considération que le Coran a de « ceux d’avant vous », locution avec laquelle le Coran fat référence aux juifs et aux chrétiens (cf.  « Ô les croyants ! On vous a prescrit le jeûne comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous. » Sourate 2, 183).

La Torah et l’Évangile, inspirés de Dieu

En particulier, comme mentionné ci-dessus, la Torah et l’Évangile sont considérés comme étant inspirés de Dieu. De nombreux versets en témoignent :

– « Nous avons donné le Livre à Moïse ; nous avons envoyé après lui des prophètes successifs.» (Sourate 2, 87)

– « Il a fait descendre sur toi le Livre avec la vérité, confirmant les Livres descendus avant lui. Et Il fit descendre la Torah et l’Évangile, en tant que guide pour le gens» (Sourate 3, 3)

– « Nous avons fait descendre la Torah dans laquelle il y a guide et lumière» (Sourate 5, 44)

– « Nous avons envoyé après eux, Jésus, fils de Marie, pour confirmer ce qu’il y avait dans la Torah avant lui. Et Nous lui avons donné l’Évangile,  il y a guide et lumière, pour confirmer ce qu’il y avait dans la Torah avant lui, et un guide et une exhortation pour les pieuxQue les gens de l’Évangile jugent d’après ce qu’Allah y a fait descendre … À chacun de vous, nous avons assigné un législation et un plan à suivre. Si Allah avait voulu, Il aurait fait de vous tous une seule communauté.» (Sourate 5: 46-48)

Marie, beaucoup plus citée dans le Coran que dans la Bible

Un autre point qui mérite réflexion est la considération que le Coran portà Marie à laquelle la dix-neuvième sourate est intégralement consacrée (elle est également mentionnée à plusieurs reprises dans la troisième sourate).

Quelques observations à noter :

– Les références à Marie sont plus nombreuses dans le Coran que dans le Nouveau Testament ; 
– Elle est la seule femme à être citée par son nom dans le Coran, à 34 reprises ; 
– Elle est la femme la plus honorée de l’histoire islamique, et de nombreux musulmans la vénèrent dans les sanctuaires mariaux chrétiens ; 
– L’un des titres donnés à Marie est al-Sayyidah, c’est-à-dire « celle qui accepte la vérité » ou bien « celle qui a la foi ». C’est un titre qui est généralement réservé à ceux qui sont considérés comme étant plus proches de Dieu ;
– Un autre titre consacré à Marie est Mustafia, c’est-à-dire « celle qui a été choisie ». Le Coran dit : « Les anges dirent : “Ô Marie Dieu t’a choisie, il t’a rendue exempte de toute souillure, il t’a élue parmi toutes les femmes de l’univers.” » ;
– L’annonciation dans le Coran dit : « Ô Marie ! Dieu t’annonce la bonne nouvelle d’un Verbe émanant de lui : Son nom est : le Messie, Jésus, fils de Marie. » (Sourate 3, 45)  ; 
– Quelques mosquées lui sont dédiées : la mosquée Mary Mother of Jesus Mosque (Victoria, Australie) et la Mosque Maryam (Chicago, États-Unis). 

Les premières communautés musulmanes semblent donc avoir été fortement marquées par certaines notions chrétiennes, et cela perdure encore aujourd’hui. 

L’origine véritable du Coran

Selon le récit islamique, le Coran contient les révélations que Dieu aurait faites à Mohammed par l’ange Gabriel entre 609 et 632. C’est Othmàn ibn Affàn, le troisième Calife, qui a ordonné la collecte et le regroupement de ces révélations en un seul texte.

Mais les opinions divergent quant à son origine véritable. L’orientaliste allemand Christoph Luxenberg (pseudonyme), dans son livre Die Syro-Aramäische Lesart des Koran (L’interprétation syro-araméenne du Coran”), soutien que le texte sacré de l’islam a été fortement influencé par la littérature et la culture judéo-chrétienne. Son livre, publié en 2000, a reçu une forte opposition de la part de nombreuses autorités politiques de pays à majorité musulmane. 

L’un des arguments principaux de Christoph Luxenberg est que le Coran est une traduction en arabe d’un texte original en syriaque. Comme le rappelle Peter J. Leithart dans First Thingscertains mots n’ont pas de racine arabe et seraient des arabisations de termes syriaques. C. Luxenberg a cité le Coran lui-même pour justifier cette hypothèse d’une traduction en arabe de certains termes religieux préexistants : « Nous avons rendu simple ce [Coran], dans ta langue, afin qu’il se rappellent. » (Sourate 44, 58).

Les références bibliques, tant aux textes apocryphes et canoniques sont nombreux dans le Coran

Dans le journal italien, Avvenire, Lorenzo Fazzini cite le chercheur Joan Van Reeth qui compare les versets évangéliques où Jésus se présente comme le Fils du Père et l’auto-présentation de Isa (le nom arabe de Jésus) dans la sourate 3 du Coran : « Le rédacteur du Coran avait le texte de l’Évangile devant lui, ou du moins il le connaissait par cœur, parce que le Prophète cite les déclarations de Jésus avec leurs caractéristiques formelles. Mohammed et sa communauté avaient une connaissance bien plus poussée du judaïsme, du christianisme, du manichéisme et du gnosticisme que ce qu’ils étaient disposés à reconnaître ». 

Selon le journaliste L. Fazzini : « Les références bibliques, tant aux textes apocryphes et canoniques (dont les Psaumes) sont nombreux dans le Coran : ces mentions soulignent l’influence que l’islam a reçu du premier christianisme ». 

Dans le livre The Hidden Origins of Islam New Research into Its Early History, l’historien Karl-Heinz Ohlig montre l’absence d’une religion musulmane indépendante aux VIIeVIIIe siècle, estimant au contraire qu’il s’agit alors d’une « forme de christianisme syro-persan. »

Il affirme que « la conception de Dieu, la christologie, l’eschatologie et de nombreuses autres affirmations théologiques du Coran proviennent du sein de la tradition chrétienne syriaque. » Sa position sur le sujet, même si extrêmement minoritaire, a le rôle essentiel d’alimenter le débat sur la fascinante question des origines du texte et de la spiritualité islamique.

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