Dans l’ensemble, les croyants ont eu tendance à faire confiance à Donald Trump. Reste désormais à voir comment le président élu compte « restaurer la grandeur de l’Amérique ».
Le 8 novembre, 60% des électeurs s’estampillant comme catholiques ont accordé leur vote au nouveau président américain, Donald Trump. Chez les chrétiens évangélistes, ce soutien s’est exprimé de manière encore plus forte puisqu’ils ont voté pour Trump à 81%. La campagne fut longue et litigieuse, et marquée par un niveau d’impopularité et de défiance vis-à-vis des deux candidats encore jamais atteint. Néanmoins, suffisamment de personnes se disant « croyantes » ont été prêtes à miser sur le candidat républicain et sur son parti pour contribuer à faire basculer l’élection en sa faveur. Désormais, alors que le pays s’apprête à entrer dans une phase de transition qui s’annonce tout aussi litigieuse, les catholiques qui ont voté pour Trump espèrent qu’il fera bon usage de leur confiance.
Pour des raisons spécifiques à cette campagne et à ce président, les perspectives sur les politiques que cette nouvelle administration va mettre en place sont pour l’instant très floues. Les promesses de campagne restent des promesses de campagne, bien sûr, et aucun candidat ne s’est engagé par serment solennel à tenir chacune d’entre elles dans le moindre détail. En ce qui concerne le nouveau président, les pronostics automnaux habituels sont encore plus difficiles à établir que d’habitude, d’une part parce qu’il a pour habitude de ne pas dévoiler ses décisions politiques trop à l’avance, et d’autre part parce que les positions qu’il a empruntées pendant sa campagne ont changé à de nombreuses reprises, contredisant parfois celles de son colistier le gouverneur Mike Pence, celles du parti républicain et parfois même les siennes.
Dans ces conditions, à quoi peuvent désormais s’attendre les catholiques (ceux qui ont voté pour l’équipe Trump-Pence comme ceux qui ne les ont pas soutenus) sur les questions clefs en matière de politiques publiques ?
Dans la première partie de cet article, Aleteia vous expose une vue d’ensemble sur ces questions évoquées elles-mêmes dans un texte traitant des points clefs de la doctrine sociale rédigé par la Conférence des évêques catholiques américains (passages en italique). En commentaire, ce que l’on sait déjà et ce à quoi nous devons être particulièrement attentifs.
Vie et dignité de la personne humaine
L’Église catholique proclame que la vie humaine est sacrée et que la dignité de la personne humaine est le fondement d’une vision morale de la société. Cette croyance constitue le fondement de tous les principes de notre enseignement social. Dans notre société, la vie humaine est attaquée de manière directe par l’avortement et l’euthanasie. La valeur de la vie humaine est menacée par le clonage, la recherche sur les cellules souches embryonnaires et l’usage de la peine de mort. Le ciblage intentionnel de civils en zone de guerre ou lors d’attaques terroristes est quelque chose de mal. Les enseignements catholiques nous appellent à œuvrer pour faire en sorte d’éviter les guerres. Les nations doivent protéger le droit à la vie en trouvant des moyens toujours plus efficaces d’éviter les conflits et de les résoudre par des moyens pacifiques. Nous croyons que chaque personne est précieuse, que les personnes sont plus importantes que les choses, et que la valeur de chaque institution repose sur le fait qu’elle menace la vie et la dignité de la personne humaine ou qu’elle cherche au contraire à la promouvoir.
Le président élu Donald Trump a assuré le mouvement « pro-vie » de son soutien. Il est également en faveur de la liberté religieuse. Pendant la campagne, il a exprimé le souhait que des juges d’instruction « pro-vie » soient nommés à la Cour suprême. Lors des différents débats (pendant les primaires puis face à Clinton), Trump – qui était, il fut un temps, favorable au mouvement « pro-choix » – a déclaré avoir évolué d’un point de vue personnel sur la question de l’avortement. Il a évoqué le fait de limiter le droit à l’avortement aux trois cas appelés « exceptions Reagan » (à savoir l’inceste, le viol ou la mise en danger de la santé de la mère) et a exprimé son aversion envers les avortements tardifs et/ou par naissance partielle. Dans une interview donnée dimanche soir dernier pour l’émission 66 minutes, Trump a renouvelé sa promesse de nommer un juge à la Cour suprême qui soit contre l’avortement et qui contribuerait à changer l’arrêt « Roe v. Wade » qui reconnaît l’avortement comme un droit constitutionnel depuis 1973. De plus, il souhaiterait que la loi sur l’avortement soit gérée uniquement au niveau de l’État et non au niveau fédéral.
Il est favorable au maintien de « l’amendement Hyde » qui interdit le financement de l’avortement sur le plan fédéral. Les grands pontes du parti républicain appellent à un arrêt du financement du planning familial, bien que Trump ait affirmé croire que cet organisme, en dehors de la question de l’avortement, fournisse des soins de santé importants. L’engagement de Trump à abroger et à remplacer le Affordable Health Care Act (Obamacare) implique de retirer le mandat Health and Human Services (HHS) poussant les assureurs à fournir aux femmes une couverture gratuite en matière de contraception et de stérilisation. Il n’a fait aucune déclaration publique sur l’euthanasie.
En ce qui concerne d’autres facettes touchant au respect de la vie, Trump a exprimé publiquement son soutien en faveur de la peine de mort, d’actions militaires unilatérales, et de l’utilisation à grande échelle de techniques d’interrogatoire de l’ennemi considérées par la communauté internationale ainsi que par l’Église comme de la torture. Il a suggéré que la prolifération nucléaire pouvait être un phénomène acceptable si elle était utilisée comme une stratégie de défense. Néanmoins, il est en faveur du désengagement militaire des États-Unis dans les conflits étrangers.
Appel à la famille, à la communauté, à la participation
La personne est non seulement sacrée mais aussi sociale. La façon dont nous organisons la société – en matière d’économie, de politiques, de législation – a une incidence directe sur la dignité humaine et sur la capacité des individus à former une communauté. Le mariage et la famille sont les institutions sociales centrales qui doivent être soutenues et renforcées, et non fragilisées. Nous croyons que les gens ont le droit et le devoir de s’engager en société, de travailler ensemble au bien commun, de rechercher le bien-être de tous, en particulier des plus pauvres et des plus vulnérables.
Contrairement à son colistier, Trump n’a pas appelé à l’abrogation du mariage homosexuel. D’une certaine manière, il a tendu la main à l’électorat LGBTQ, notamment en promettant de vaincre les terroristes et de remettre en cause certains de ses alliés adeptes de politiques anti-homosexuelles très dures. Ceci irait dans le sens de l’enseignement catholique selon lequel tout individu doit être protégé de toute forme de discrimination et d’oppression.
En ce qui concerne la liberté des chrétiens de pratiquer leur foi quand cela rentre en conflit avec la pression sociale et la législation du gouvernement, l’équipe Trump-Pence s’est engagée à faire en sorte que l’État n’intervienne plus au niveau fédéral en matière de pratique religieuse et n’impose plus de mandats fédéraux qui empêchent les croyants d’exercer leur conscience.
Étant donné que la liberté religieuse fait partie des droits de l’homme, les catholiques et les chrétiens en général vont devoir être attentifs au fait que ce droit soit appliqué à toutes les croyances, notamment (au vu de certaines déclarations du nouveau président) aux musulmans.
L’administration Trump va peut-être soutenir les familles d’autres manières : en promulguant des plans d’action proposant des emplois avec des salaires suffisants pour vivre, des opportunités en matière d’éducation, un système de santé adéquat et accessible pour tous les âges et tous les stades de la vie, des mesures fiscales qui favorisent la famille et le mariage, les familles nombreuses et la stabilité familiale. Une fois que ces priorités du président seront mises en œuvre, il s’agira d’évaluer leur efficacité dans tous ces domaines.
Droits et responsabilités
D’après les enseignements de la tradition catholique, la dignité humaine ne peut être protégée et la vie en communauté ne peut fonctionner sainement que si les droits de l’homme sont protégés et que chacun assume ses responsabilités. Par conséquent, tout individu a un droit fondamental à la vie et un droit à tout ce qui est nécessaire à la décence humaine. À ces droits correspondent des devoirs et des responsabilités – les uns envers les autres, envers nos familles, et plus largement envers la société.
Donald Trump promet de nommer des juges fédéraux et des juges d’instruction à la Cour suprême qui soient opposés à l’avortement et qui « s’engagent à interpréter la constitution et les lois conformément à leur sens originel ».
Sur son site, le président élu s’engage à « défendre les droits fondamentaux des Américains en terme de liberté de parole, de liberté religieuse, de port d’armes, et tous les autres droits garantis par la Déclaration des Droits (“Bill of Rights” – autrement dit les dix premiers amendements de la constitution américaine) ou par d’autres dispositions constitutionnelles ».
En promettant la restructuration du gouvernement fédéral et le retour à une gestion localisée de problématiques telles que la législation sur l’avortement ou l’éducation, la stratégie républicaine va dans le sens de l’enseignement de l’Église sur l’importance de la subsidiarité dans la vie publique.
Tout au long de la campagne, Trump et ses lieutenants ont manifesté un manque de respect patent envers de nombreux individus et communautés pourtant constitutifs de la société américaine, notamment les femmes, les personnes handicapées, les latinos, les musulmans, les Afro-Américains, la presse, certains élus et institutions, ainsi que leurs opposants ou ceux qui se sont montrés critiques à leur égard. Beaucoup ont décrété que c’était une marque de franchise somme toute rafraîchissante et qu’au moins cela allait à l’encontre d’une fausse bienséance voulue en politique. Néanmoins, cette rhétorique a souvent tourné au flot d’insultes et flirtait allègrement avec la ligne de la violation de la dignité humaine, quand elle ne la franchissait pas… Il sera important désormais de voir comment l’administration Trump, au même titre que les perdants de cette élection (qui n’ont pas été exempts de certaines sorties déplorables), vont entreprendre de réparer les nombreux dégâts et divisions occasionnés par leur comportement pendant la campagne.
Envers les pauvres et les personnes vulnérables
Une des manières de vérifier si une société est morale et de voir comment se portent ses membres les plus vulnérables. Dans une société abîmée par des divisions grandissantes entre riches et pauvres, notre tradition se souvient de l’histoire du jugement dernier (Mt 25, 31-46) et nous charge de placer les besoins des plus pauvres et des plus fragiles en premier.
Lors de son discours de remerciement après son élection, les premières personnes que Trump s’est engagé à aider sont celles se trouvant dans une grande précarité économique. « Les hommes et les femmes oubliés de ce pays ne seront plus oubliés », a-t-il ainsi affirmé. « Nous allons résoudre le problème de nos cités intérieures [un terme qu’il utilise pour désigner des zones de pauvreté urbaine, d’infrastructures délabrées, où l’école et l’emploi pâtissent grandement]. »
Le plan de Trump consistant « à abroger et à remplacer » le système Obamacare (plan qu’il a réajusté dès cette semaine en disant qu’il allait maintenir les mesures les plus populaires, à savoir la prise en charge des soins pour des maladies déjà existantes et une couverture sociale familiale prenant en compte les enfants jusqu’à 26 ans s’ils vivent au domicile parental) soulève encore de nombreuses questions notamment pour les 20 millions d’Américains qui en bénéficient, y compris les familles à faible revenu tributaires du Medicaid, le programme qui leur est consacré.
La deuxième partie de cet article est à lire dès demain sur Aleteia.