Depuis 1975, la loi Veil a entraîné plus de huit millions d’avortements en France. Rares sont les sujets aussi sensibles, déchirant la société française entre défenseurs de la vie et promoteur du droit à avorter, corollaire du droit de chaque femme « à disposer de son corps ». L’avortement est le lieu d’une guerre de position idéologique qui n’a cependant permis aucune solution efficace et durable en quatre décennies d’affrontement.
Un constat factuel
C’est d’ailleurs de ce constat qu’est parti Gregor Puppinck, le dynamique directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), think-tank européen basé à Strasbourg, pour mener une étude d’une ampleur inégalée sur l’avortement en Europe. Celle-ci vient de paraître aux Éditions Hospitalières. Il ne s’agit donc pas, vous l’aurez compris, d’un nouvel argumentaire « pro-life » jetée à la face des « pro-choice ». Grégor Puppinck est clair : « Depuis quarante années, rien de constructif n’est sorti de cette dramatique dialectique entre liberté individuelle et dignité humaine. La liberté et la dignité ne sont que trop souvent des mots, voire de simple slogans, qui recouvrent et dissimulent les réalités humaines ». Les contributions des différents experts se concentrent donc à une dissection méthodique de la réalité de l’avortement aujourd’hui, de ses causes, des facteurs de risque et des conséquences médicales et psychologiques.
Prévention contre fatalisme
Nombreux sont les politiques qui considèrent que le taux extrêmement haut d’avortement en France est une réalité contre laquelle rien ne peut être fait. L’état actuel des choses est donc largement accepté, par fatalisme et manque de courage politique. Paradoxe français : la diffusion des moyens de contraception ne fait nullement chuter le taux d’avortement, dans une spirale particulièrement morbide. Pour l’ECLJ, le constat est clair : la situation actuelle n’est pas acceptable, tant du point de vue des enfants tués que de celui des mères concernées. Il faut donc une politique de prévention massive de l’avortement à l’échelle des États. Dans cet objectif, l’ECLJ a travaillé à mettre en place des « bases conceptuelles et juridiques » incontestables, selon les mots de Grégor Puppinck. Un chapitre entier est ainsi consacré à la défense d’un « droit à ne pas avorter ». Plusieurs autres se penchent sur la liberté d’expression réservée à cette prévention d’une part - ce qui n’est pas inutile compte tenu des récents débats à l’Assemblée Nationale - et à l’objection de conscience des professionnels de santé d’autre part.
Un tel ouvrage était vivement attendu. Rédigé par des experts de grande qualité, il replace l’avortement comme un enjeu de santé publique appelant une politique de prévention. Cet angle permet de replacer l’avortement sur le terrain concret plutôt que sur celui des luttes idéologiques. Un outil à lire attentivement, à diffuser et à faire connaître largement aux élus et professionnels de santé.
Droit et prévention de l’avortement en Europe, sous la direction de Grégor Puppinck, LEH Edition, 2016, 20 euros.