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Interview exclusive d’Ahmad Badreddin Hassoun, Grand Mufti de Syrie

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Nadine Sayegh - publié le 12/11/16
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Damas, où l’appel du muezzin résonnait au son des cloches, qu’es-tu devenue ?À Damas, comme dans toute la Syrie, à différentes heures de la journée on entendait et on continue à entendre, dans certaines régions, dans certains quartiers, le son des cloches qui se confond avec l’appel à la prière du muezzin. Des sons harmonieux qui rappellent les temps paisibles que ce pays a vécu pendant si longtemps. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?

Qu’est-il devenu, cet islam politique qui a paralysé le monde arabe, l’a ensanglanté et a fragmenté ses composants ? De quoi est composé notre tissu social actuel ? Peut-on encore parler de cohabitation entre musulmans et chrétiens ? Quel est le message susceptible d’être adressé au citoyen occidental assoiffé de  vérité ?

L’opinion chrétienne exprimée, répandue et entendue partout, n’a pas changé en cinq ans et demi de guerre en Syrie. Tout comme l’exprime Monseigneur Joseph Absi, vicaire patriarcal grec melkite catholique en disant « il est expressément urgent de réveiller les consciences, d’affronter la réalité pour résoudre les difficultés rencontrées par les chrétiens au quotidien, car pour le moment une possible cohabitation semble difficile. À Maaloula, ni l’État ni les habitants ne veulent voir revenir les musulmans (locaux) dans leur village. Ce sont eux, qui, en grande partie, ont participé en septembre 2013 à sa destruction et au pillage de ses deux monastères. De même à Sadad, Daraya (dans la banlieue damascène), Hamidiyé (quartier de Homs) ou ailleurs. »

Si, en Occident, ces propos ont déjà été entendus, ceux des syriens musulmans modérés beaucoup moins. Pour nous éclairer à leur sujet et pour répondre à certaines interrogations, le Grand Mufti de Syrie, son Excellence le Dr. Ahmad Badreddin Hassoun a accepté de répondre aux questions d’Aleteia :

Ahmad Badreddin Hassoun : D’abord il faut bien savoir que l’islam politique est révolu, il a échoué en Turquie, en Tunisie et en Égypte. Il est remplacé par un islamisme confessionnaliste où les musulmans s’entretuent et deviennent les pires ennemis les uns des autres.

Quand politique et religion se confondent, la catastrophe est imminente. Mais dans ce contexte, le citoyen syrien a su marquer sa différence, car j’estime qu’il est bien plus conscient de la réalité des choses que dans bien d’autres pays avoisinants. Cette poignée de citoyens, qui n’a pas été attirée par les pétrodollars, a su s’éloigner des institutions politico-religieuses. Je fais ici allusion à nos intellectuels, ils sont le visage caché de notre société qui, par leur action, ont tout fait pour sauvegarder l’unité de la Syrie.

En effet, un intellectuel est un homme qui met sa culture, son éducation, ses principes et son amour de la patrie aux services de chaque membre de la société, dans toute sa mosaïque, dans le but de l’enrichir et de la développer. Ce ne sont pas les diplômes, affichés sur les murs qui construisent une société mais la culture qui s’apprend à la maison et qui nous apprend à aimer son pays et à défendre son unité.

Quant à la cohabitation entre chrétiens et musulmans, la réalité des choses est bien différente des publications qui figurent dans la presse occidentale. En suivant bien les événements sur le terrain, on réalise comme « les ennemis de Dieu » ont su déformer son image, au point de faire croire aux croyants que tous les courants extrémistes trouvent leur source dans la religion.

Les réfugiés musulmans, qu’ils soient sunnites ou chiites, ont tous fui Daesh, ces terroristes qui tuent au nom de l’islam, qui suivent une seule ligne socio-religieuse extrémiste loin de l’islam véritable et où les musulmans modérés ne se retrouvent pas. Ils ont fui Daesh pour se réfugier chez les chrétiens, les chiites ou druzes, des gens qui partagent les mêmes principes qu’eux sans considération de la religion. Et c’est pour cette unique raison que leur cohabitation avec autrui semble possible, logique, normale et cohérente. La religion doit rester une relation entre l’être humain et Dieu, sans aucune ingérence dans la foi de chacun.

Quel message voudriez-vous faire parvenir aux musulmans et chrétiens d’occident ?
Venez en Syrie, venez pour comprendre la vérité, venez visiter notre pays, terre de foi et de pardon. De cette terre, les saints sont partis pour répandre leur message d’amour et de paix, ne nous renvoyez pas de messages de guerre et de haine.

Propos recueillis par notre correspondante à Damas.

Le Grand Mufti de Syrie avait été invité à s’exprimer devant le Parlement européen en 2008 :

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