Qui ne rêve pas d’être libre ? Des écrivains nous parlent de ce que cela signifie pour eux. Si saint Augustin nous dit : “Aimes et fais ce que tu veux”, la phrase est courte mais l’art est difficile. La liberté est l’apanage d’un être autonome et responsable, d’une volonté de s’affranchir de ses entraves, mais encore faut-il savoir les reconnaître pour mieux s’en libérer. Plusieurs aspects permettent de se poser la question de sa liberté et d’y accéder.
L’examen de conscience
Paul Valéry, dans son exigence du mot juste et de la parole vraie, nous incite à un examen de conscience sur la valeur de nos choix pour être libre, dans le tome II de ses Cahiers.
“Ce crime que tu as commis…
– Mais je ne sais pas si c’est un crime !
-Quand le sauras-tu, et comment ?
-Je le connaîtrai aux pensées et aux forces qui en viendront.
-Je verrai bien alors si cet acte était bon pour mon être ; s’il l’éclaircit, l’épure, s’il le rend fécond, — ou bien si ce fut une faute, et une perte ou une demande de chaînes.”
Ici, l’acception du mot crime n’est pas de l’ordre du meurtre — quoi que ? —mais il désigne l’acte qui diminue l’être et son élan, sa vitalité et sa liberté. Commettre un crime envers soi-même et l’avouer, c’est se reconnaître responsable de ses choix, et par là même de sa destinée.
Toujours au niveau de la conscience, il serait bon parfois de se poser la question que Bernanos adressait aux jeunes : “Vous croyez être libres ? Mais seriez-vous capables, jour après jour, de vous remettre en question, de remettre en question tout ce que vous avez adoré la veille ? Allez-vous mettre — en avez-vous la force ? — vos idoles bas ?” Georges Bernanos avait l’autorité et la légitimité pour demander cela, lui qui pratiquait pour lui-même ces remises en question. Rappelons-nous par exemple ses attitudes face à l’Église, dont il réprouva les actes, lors de la guerre d’Espagne ou lors de la condamnation de l’Action Française. Il écrivait d’ailleurs dans Les Grands cimetières sous la lune : “Il vaut mieux être en règle avec sa conscience qu’avec sa foi”.
“Libre à l’égard de tous et vrai avec soi-même”
Romain Rolland était un autre écrivain féru de liberté, comme en témoigne cette qualité primordiale de tous ses héros romanesques à qui il prête ses traits. Dans Clérambault, publié en 1920, alors qu’il se bat pour demeurer l’homme à la conscience libre dans le troupeau dominant de l’entre-deux-guerres, belliqueux et nationaliste, il écrit : “L’homme le plus simple peut être plus fort que la multitude, pourvu qu’il maintienne fermement sa volonté d’être libre à l’égard de tous et vrai avec soi-même”. Et à tous ceux qui lui demandaient conseil, Romain Rolland les renvoyait à eux-mêmes pour toute réponse, fidèle à son credo : “Qui veut être utile aux autres doit d’abord être libre” ; ou encore : “de belles âmes, de fermes caractères, c’est ce dont le monde manque le plus aujourd’hui”.
Julien Green fait sans doute écho au pacifiste français quand il livre à son Journal ces mots : “L’homme est libre, mais il fait de telle sorte qu’il se croit prisonnier dans une geôle étroite. Comme il l’aime, sa geôle ! Il l’appelle Fatalité, Religion, Destin, Patrie“.
Et enfin, comme le disait saint Augustin, ce n’est que lorsque nous réfléchirons à nos désirs que nous commencerons à réfléchir.