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Didier Daurat, dresseur de héros (5/6)

Didier Daurat ©Wikimedia Commons

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Angélique Provost - publié le 05/11/16
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Ce que les pionniers de l’Aéropostale ont encore à nous apprendre. Figure rugueuse des hangars de Latécoère, Didier Daurat fut pilote de la compagnie avant d’en devenir directeur d’exploitation. Témoin vivant que la grandeur des hommes découle de la grandeur de leurs chefs, parents, et éducateurs, il fut pour ses pilotes tout cela en même temps.

Postérité et portrait littéraire

S’il fallait dresser en deux mots le portrait de l’homme, on trouverait sans doute assez juste de lui attribuer la sévérité et la bienveillance. Voilà qui définit à merveille les traits de cet être exigeant, pour qui ses pilotes étaient ses enfants. Il n’a pas beaucoup écrit, on le connaît d’avantage sous les traits du personnage de Rivière dans le Vol de Nuit de Saint-Éxupéry. Même âpreté teintée d’inquiétude quand ses enfants font face aux adversités des ciels de nuit.

Imaginez la scène et l’assurance de l’homme qui, lorsque Jean Mermoz exécute, en guise d’entretien d’embauche, un tour d’aviation époustouflant de cabrioles, lui assène une sentence tranchante, digne d’un grand père frappant les doigts de l’enfant voleur de friandises : « Je n’ai pas besoin d’artistes de cirque, mais de conducteurs de bus. On vous dressera ».

Outre le statut de mécène que lui confère la postérité littéraire de ses pilotes, Didier Daurat est l’âme de l’aéropostale : sur 7200 vols de nuit, un seul sera différé face aux caprices de la météo. À croire qu’il savait dresser les nuages aussi bien que les hommes.

Ses ouvrages, Saint-Éxupéry tel que je l’ai connu, et Dans le vent des hélices, n’ont pas le renom qu’ils méritent. Didier Daurat reste dans l’ombre d’Antoine, le préféré de ses enfants pilotes, si un père pouvait choisir d’aimer davantage un de ses bambins.

Vision de l’existence

Pour mieux connaître ce père nourricier des héros dont nous dressons les portraits, il faudra donc relire Vol de Nuit. C’est un être qui n’a pas les aspirations d’héroïsme de ces hommes, sa grandeur d‘âme est celle de l’homme dévoué à son métier, de manière assez terre à terre. Celui qui ne dormira pas d’un sommeil paisible tant que le travail ne sera pas fait. Et quoique Rivière n’en semble pas conscient dans Vol de Nuit, c’est une forme assez rare d’héroïsme que le courage de régler sa vie sur la satisfaction du travail bien fait.

« Rivière craignait certains admirateurs. Ils ne comprenaient pas le caractère sacré de l’aventure, et leurs exclamations en faussaient le sens, diminuaient l’homme. »

« Faites comme si vous me compreniez, Robineau. Aimez ceux que vous commandez. Mais sans le leur dire. »

« Et pourtant, lui avait répondu plus tard Rivière, si la vie humaine n’a pas de prix, nous agissons toujours comme si quelque chose dépassait, en valeur, la vie humaine… Mais quoi ? »

Si ces mots ne sont pas à proprement parler ceux de Didier Daurat mais ceux du personnage créé par Saint-Éxupéry, on ne peut pas douter qu’ils sont inspirés des mots de Daurat, qui ont bercé le quotidien de l’auteur.

Dans son excellent ouvrage intitulé Didier Daurat, Marcel Migeo parle en ces termes du personnage de légende :

« Ce courrier fut un symbole : celui d’une résurrection. Didier Daurat, de son bureau installé dans un baraquement en planches, parmi les ruines, faisait face à mille difficultés, avec des moyens dérisoires et des hommes venus vers lui comme vingt cinq ans plus tôt, après une autre guerre déjà, ranimer cette aviation postale qui fut la grande oeuvre de sa vie (…) C’est en portant des lettres d’abord que l’avion ouvrit les premières routes qui sillonnent le ciel de notre planète. C’est en portant des lettres d’abord que l’aviateur apprit à connaître les éléments si redoutables de l’atmosphère. (…) C’est en portant des lettres d’abord que naquit, se modela et s’affermit dans la race humaine une nouvelle lignée qui, poussée vers les hauteurs, ouvrit les voies mystérieuses vers l’infini qui révèleront peut être un jour à l’homme les secrets de la vie. »


Lire aussi le précédent article de la série sur Henri Guillaumet, le survivant des Andes


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