Rencontre avec l’auteur de “Si je ne peux plus marcher, je courrai !”. Axelle Huber est professeur d’histoire-géographie en Île-de-France et mère de quatre enfants. C’est son histoire et celle de son mari, Léonard, atteint par la maladie de Charcot, qu’elle raconte dans Si je ne peux plus marcher, je courrai !.
Aleteia : Qu’est-ce que l’écriture de ce livre représente pour vous ?
Axelle Huber : Ce livre est né d’un témoignage que j’ai fait à l’Île Bouchard en août 2014. Des gens sont venus me voir pour me suggérer de mettre par écrit ce que je venais de leur livrer. J’ai bien sûr écrit ce livre pour mes enfants pour qu’ils sachent quel homme est leur papa. Mais j’ai d’abord écrit pour témoigner de cette voie que Léonard a empruntée. Celle de celui qui se laisse aimer dans sa pauvreté d’homme malade et handicapé, celle de celui qui ne perd pas la foi en un Dieu bon et miséricordieux, La voie d’un homme libre et heureux — bien que tétraplégique et à la fin de sa vie quasiment muet et nourri par sonde — qui espère la grâce du présent, qui continue à avancer, à être heureux, à croire, à aimer et qui par dessus tout espère la grâce de contempler Dieu face à face. Ce livre représente un projet qui a abouti et j’en suis heureuse et fière.
Comment parlez-vous à vos enfants de Léonard ?
J’essaie de parler de lui au présent. Nous allumons souvent une bougie devant la photo géante de Léonard, même en dehors des temps de prière familiale. Je leur en parle très souvent, avec fierté, admiration, conviction, et amour.
Léo est un père très présent pour ses enfants. Entré dans le royaume de Dieu, il continue à être présent. Je l’associe du mieux que je peux en disant : « Ton papa et moi sommes fiers de toi », « ton papa et moi t’aimons très fort », « ton papa et moi croyons que tu peux y arriver », « demande à papa de t’aider ». Parfois je leur dis aussi « papa ne doit pas être d’accord » ou encore « à mon avis, papa doit faire telle blague ou tel jeu de mot en nous voyant » Les matins et les soirs, les enfants embrassent une photo de leur papa et lui disent leur amour. Nous invoquons aussi leur papa dans notre prière et nous allons très régulièrement au cimetière.
Vous introduisez vos chapitres par une citation de Bernanos.
Oui Bernanos me met en joie. Il parle à mon âme. Il a une puissance d’écriture magistrale, un talent hors pair. Pour moi, les héros de Bernanos ne sont pas tristes du tout. Bien au contraire, ils sont empreints de cette joie ineffable venant de la certitude d’être aimé d’un amour fou et pour toujours.
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Quels conseils donneriez-vous aux familles qui traversent une épreuve aussi terrible ?
Je me sens bien petite pour donner des conseils sur ce terrain. Je sais ce que je leur ne dirai jamais : « Courage » ! J’ai trouvé et je continue à trouver cela très pénible. Facile à dire quand on n’a a priori pas besoin de devoir être courageux ! Et courageux, les souffrants de la terre le sont déjà ! Ne leur retirons pas cela.
Avant de donner des conseils, je crois que je dirai un mot pour reconnaître leur épreuve : oui, votre souffrance est immense. Oui, c’est dur, insupportable, insoutenable et bravo car vous faites de votre mieux et vous vous en sortez rudement bien. Et puis je leur dirai merci pour leur courage ou merci pour leur acceptation, leur exemple ou un talent qu’ils exercent au coeur de leur souffrance.
Alors sans doute si je devais malgré tout donner un conseil, prudemment, je leur dirai continuez, regardez vous avec amour et indulgence, gardez les yeux rivés sur la Sainte Famille et avancez pas à pas, au présent, jour après jour. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi vous, mais tâchez de répondre au mal par le bien, à la maladie par l’amour sans oublier que notre Dieu est l’Amour même et qu’il vous porte au cœur de cette maladie, au cœur de vos souffrances et pleure avec vous. Serrez bien fort contre vous cette petite fille Espérance.
Comme nous sommes aussi de chair et d’os, je dirai aussi : « Dites nous ce dont vous avez besoin comme aide : que nous pleurions avec vous, que nous vous écoutions, que nous soyons juste là sans rien dire car parfois il n’y a rien à faire, rien à dire, juste à être là, que nous vous fassions rire, que nous apportions une aide concrète, que nous prions pour vous ».
Je suis sûre que le bonheur reste possible au cœur de la souffrance, qu’il est un risque à courir mais cela sera aussi possible si ceux qui souffrent sont aidés et regardés avec amour. C’est alors qu’il leur sera possible de se laisser aimer.
Je termine avec cette phrase de saint Vincent de Paul : « Ce n’est que pour ton amour que les pauvres te pardonneront le pain que tu leur donnes »
Si je ne peux plus marcher, je courrai !
Si je ne peux plus parler, je chanterai !
Si je guéris, on continue !
Si je ne guéris pas, on continue aussi !
Revoir ici son passage dans l’émission Mille et une vies du 24 octobre sur France 2.
Si je ne peux plus marcher, je courrai !, Axelle Huber. Éditions MAME, septembre 2016, 224 pages, 15,90 euros.