Le Conseil permanent de la Conférence des des évêques de France sort aujourd’hui un livret politique intitulé “Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique”.
« Crise du politique », « ambitions personnelles démesurées », « paroles non tenues », « discrédit de la politique », « comportements démagogiques », « grave malaise », « parole pervertie », « pouvoir confisqué »… Les évêques ne mâchent pas leurs mots dans ce « Message aux habitants de France » rendu public ce jeudi 13 octobre, qui en appelle à « refonder la politique ». Un petit livret de 70 pages par lequel les dix évêques signataires veulent « apporter leur pierre » au « débat que notre pays se doit d’avoir » tant « quelque chose d’essentiel » dans le rapport au politique « s’est perdu ou perverti ». « Si nous parlons aujourd’hui, c’est parce que nous aimons notre pays, et que nous sommes préoccupés par sa situation », disent les prélats.
« Une réflexion fondamentale sur le politique »
Ce qui frappe de prime abord, dans ce texte relativement court mais dense, c’est son invitation à la réflexion en profondeur. Et ce alors qu’à six mois de l’élection présidentielle l’attention de tous se focalise de manière croissante sur les candidats, leurs programmes et leurs petites phrases. La démarche des évêques apparaît ainsi comme prophétique et à contre-courant, évitant tout ce qui pourrait s’apparenter à une consigne de vote ou à une mise en garde contre telle ou telle faction : « C’est à une réflexion plus fondamentale sur le politique en lui-même qu’il nous semble urgent d’inviter ». Une exigence dont ils souhaitent que le plus grand nombre se saisisse, joignant à leur texte un ensemble de questions et de « pistes » destinées à susciter réactions, échanges et approfondissements. Des militants les plus politisés à ceux qui ont déjà décidé qu’ils n’iront pas voter, tous devraient trouver dans cette démarche qui les invite à reconnaître ce qui les dépasse matière à réflexion. « Les élections passent, les réalités demeurent » (cardinal André Vingt-Trois).
Débat politique et vérité
Au cœur de l’inquiétude des évêques, tout au long de ce document, la détérioration du débat politique. « On ne peut sans cesse jouer sur la com’ et l’audience », lancent-ils en évoquant le rôle potentiellement néfaste des médias audiovisuels et des réseaux sociaux. « Ces réseaux peuvent être un outil formidable au service du débat ou un instrument de division et d’opposition ». En arrière-plan de leur réflexion, la lumière de la vérité, qui sous-tend tout débat digne de ce nom, et l’importance de son affirmation, « même et surtout si elle est contraire aux discours ambiants et aux prêts-à-porter idéologiques de tous bords ». « Là où la vérité est transformée ou cachée, là risque d’apparaître la violence ».
« Retrouver la vraie nature du politique »
Ce qui est également notable dans ce texte, c’est l’esprit de transcendance qui le parcourt, en lien avec la question politique. D’emblée, les évêques affirment que « le politique précède la politique, il ne se résume pas à sa mise en application. Il affirme l’existence d’un “nous”qui dépasse les particularités. » Ils distinguent le « pouvoir » qui, « dans nos pays démocratiques », « vient de l’élection des citoyens », de « ce qui doit fonder cet exercice », « la recherche du bien commun ». « Depuis une cinquantaine d’années, regrettent-ils plus loin, la question du sens a peu à peu déserté le débat politique », au profit d’une vision purement matérielle du politique (la bonne gestion). Or « celui-ci, selon eux, doit se situer à ce niveau ». « Aujourd’hui, déplorent-ils encore en évoquant le “mariage pour tous” ou la fin de vie, il n’y a plus, ou de moins en moins, de vision anthropologique commune à notre société. Tout semble discutable et à discuter. » Autant de mentions discrètes de cette « vraie nature du politique » que les évêques appellent à « retrouver », qui transcende les calculs électoralistes et la maîtrise temporaire du pouvoir par diverses majorités.
Un appel à la responsabilité de chacun
Se disant « frappés » de voir « combien nos concitoyens aspirent, parfois confusément, à autre chose », les dix évêques français en appellent à la responsabilité de chacun dans ce travail de rénovation du politique. « Retrouver la vraie nature du politique et sa nécessité pour une vie ensemble suppose de s’y disposer, de le choisir, de le permettre. » Expliquant que « cela ne tombera pas du ciel » ou par « l’arrivée au pouvoir d’une personnalité providentielle », ils demandent à tout un chacun, en particulier aux catholiques, de « réfléchir et d’agir ». Très concrètement, le questionnaire proposé à la fin du livret – « quelques pistes qui n’empêchent pas de s’arrêter sur d’autres points » – est destiné à susciter et soutenir cette réflexion. « Chacun, à son niveau, est responsable de la vie et de l’avenir de notre société ».
Jean-Marie Dumont
Article initialement publié sur le site de Famille chrétienne.