Les soupçons se portent sur les dealers de son quartier. Dans sa paroisse de San Miguel de Tucumán, au nord de l’Argentine, le père Juan Heraldo Viroche donnait régulièrement de la voix contre le trafic de drogue, qui s’étendait dans sa ville. Il a été retrouvé pendu chez lui le 5 octobre 2016. Bien qu’aucun suspect n’ait été à ce jour arrêté, plusieurs indices laissent penser que ses homélies ont déplu aux dealers de son quartier.
Menace reçue la veille de sa mort
Le 4 octobre, le prêtre faisait part à ses paroissiens de menaces de mort proférées à son encontre, à cause de ses dénonciations des gangs locaux. Il voyait sa ville sombrer sous leur coupe avec le flot de misères qui les accompagne, addictions, vols, violence etc. Outre ses homélies dans les murs de son église, il avait été jusqu’à célébrer une messe en plein cœur d’une zone rurale nommée Delfin Gallo, connue pour être une plaque tournante du trafic de drogue, où il a publiquement accusé les dealers. Son dernier post, sur Facebook, rappelait un incident récent, à savoir le vol d’une couronne qui décorait une statue de la Vierge Marie, dans son église.
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Il ne l’interprétait pas comme un larcin, mais comme un avertissement, envoyé par les narcotrafiquants : “Je ne suis pas un prophète de malheur mais je crois que des temps difficiles approchent”, concluait-il.
“Quelque chose de diabolique”
Alors qu’il officiait dans les taudis de Buenos Aires, un autre prêtre confronté aux trafiquants, José Maria Paola, témoigne que le clergé de proximité pose un vrai problème à ces gangs. Celui-ci empêche que le “marché” soit grand ouvert pour le trafic de substances, il tente de sauver ceux qui tombent dans la drogue, diminuant le nombre de “clients” potentiels. Mais les gangs ne craignent pas de menacer ces prêtres qui jettent une lumière crue sur leurs activités, puis de passer à l’acte : “Ils aiment l’obscurité et ont quelque chose de diabolique”, assure le père Paola, “Pépé” pour ses paroissiens, qui a dû quitter son presbytère à cause de menaces de plus en plus pressantes.
Contre une “mexicanisation” de l’Argentine
Cette affaire fait les gros titres de la presse en Argentine, qui la met en parallèle avec les assassinats de prêtres au Mexique. Ils se souviennent des paroles du pape François, prononcées en février 2015. Il affirmait dans un e-mail au président de la conférence des évêques d’Argentine, José Maria Arancedo, qu’il était encore temps d’empêcher une “mexicanisation” de l’Argentine. Le souverain pontife a été amené à s’expliquer sur le terme de “mexicanisation”, qui a heurté le clergé mexicain, il ne l’a plus employé mais n’en a pas pour autant lissé son discours : “Ce qui m’inquiète le plus, c’est que les gangs mexicains crient victoire, et qu’ils ont raison”. Dénonçant la corruption des politiques et des autorités il précisait : “Ils vivent dans un pays qui est devenu l’esclave de la drogue”.