Même ses plus grands défenseurs jurent qu’elle n’existe pas !Pareille aux controverses théologiques d’antan, la théorie du genre a ses prosélytes acharnés et ses détracteurs. Étrangement, ses thuriféraires les plus convaincus affirment sans vergogne qu’elle n’existe pas…
Surpris la main dans le sac en train de commettre un acte répréhensible, un enfant niera la bêtise dont on l’accuse, même s’il a la bouche barbouillée de chocolat, car il sait que la négation du réel est sa dernière issue. Il n’a aucun argument valable pour se défendre.
La théorie qui consiste à affirmer que le sexe est une construction sociale et qu’il peut faire l’objet d’un choix n’a pas davantage d’argument à faire entendre, car elle n’est pas une théorie scientifique, mais bel et bien le résultat d’une instrumentalisation politique des sciences sociales.
Où s’arrête la science et ou commence l’idéologie ? Tant que l’on constate que les différences biologiques entre hommes et femmes existent, et qu’il existe parallèlement des rôles, des symboles et des images que la société a construits autour de chacun de ces deux sexes, nous sommes encore dans le domaine de la science. Rien de choquant à constater que la cuisine n’est pas par nature quelque chose de féminin, pas davantage que le football n’est par nature masculin. La couleur rose ne recèle aucun secret dans sa composition chimique qui lui destine essentiellement les filles – elle colorait les trousseaux des petits garçons au Moyen-Âge, le bleu virginal de la vierge étant réservé aux petites filles.
Voici où s’arrête la science sociale, qui analyse la construction des représentations, et où commence l’empire de l’idéologie, qui en déduit la nécessité d’une déconstruction : puisqu’il existe des inégalités entre les hommes et les femmes, en supprimant la différenciation entre hommes et femmes, on supprimera les inégalités. D’un objectif louable (l’égalité effective des droits), nous voilà parvenus à un combat radical (l’égalitarisme absolu des conditions). S’il n’y a plus d’hommes et de femmes, il n’y aura plus d’inégalité entre hommes femmes. Raisonnement imparable : de même, si vous voulez vous débarrasser du parasite qui menace vos récoltes, brûlez votre champ.
Établissons un parallèle avec la question de la discrimination raciale. Imaginons que, pour lutter contre les constructions d’une société inégalitaire qui décourage les noirs d’exercer des métiers perçus comme étant réservés au blanc (chirurgien, PDG, présentateur télé…), on se mette à affirmer que la différence de couleur de peau est une construction sociale. Ainsi, on choisit d’être noir ou blanc. Chaque noir peut choisir d’être blanc — et donc d’être présentateur télé, PDG, chirurgien…
Ce raisonnement, absurde lorsqu’il s’agit de la couleur de la peau, révèle l’absurdité dissimulée dans la théorie du genre. Plutôt que de dire à un enfant noir qu’il peut exercer le métier qu’il désire une fois devenu grand, indifféremment à sa couleur de peau, trouverait-on logique de lui enseigner que sa couleur est une construction à réinterroger ? Sans doute pas.
Pourquoi alors serait-il plus logique d’enseigner aux petites filles que leur identité de fille n’est qu’une construction à réinterroger (et pareillement aux petits garçons) ? Pourquoi ne pas leur apprendre qu’elles peuvent, tout en étant des filles et en s’acceptant comme telles, devenir avocates ou médecins ?
La différence, de couleur de peau comme de sexe, est perçue comme source de problème, alors qu’elle est le fondement de la diversité et de la richesse humaine. Plutôt que de vérifier que les constructions sociales qui se superposent à la réalité naturelle ne créent pas d’inégalité, on préfère nier l’importance de la différence naturelle en espérant tuer dans l’œuf toute dérive.
D’un côté, l’indifférenciation pour obtenir l’égalité, de l’autre, l’égalité dans le respect de la diversité… Par bien des aspects, les tenants de la théorie du genre ont quelque chose de bien plus réactionnaire que leurs opposants, qui ne font que défendre la valeur des différences. Il s’agit d’une entreprise d’effacement, qui consiste à nier des faits en leur ôtant leur signification. Rien d’étonnant à ce que, dans cette même logique, les idéologues du genre emploient la même technique pour nier que leur propre théorie existe.
Outre que ce raisonnement ne résout pas le problème de l’égalité, il lui surajoute celui de l’identité. Et si l’on peut faire semblant de lutter contre le premier, comme l’ont fait l’antiracisme et le féminisme pendant quelques années, à coup de slogans et de communication, nous ne sommes pas prêts de venir à bout du second s’il étend son malaise jusque dans les profondeurs de notre psyché.