La littérature française a sublimé la mémoire de trois de ses pilotes : Antoine de Saint-Exupéry, Jean Mermoz et Henri Guillaumet. De simples pilotes d’avions, au premier regard, les hommes de Didier Daurat, pionnier de l’aviation française, ont pourtant su faire du groupe d’aviation Latécoère un berceau de héros, d’aventure et de légende. La littérature française a sublimé la mémoire de trois de pilotes en particulier, et vous les connaissez tous : Antoine de Saint-Exupéry, Jean Mermoz et Henri Guillaumet. Si les deux premiers sont passés d’eux mêmes à la postérité littéraire par leurs propres ouvrages, le dernier ne le fut que par le biais des autres. Le résultat n’en est pas moins réussi : ces trois grands hommes, aux airs d’Ulysse, ont donné au XXIe siècle sa nouvelle Illiade, sa nouvelle Chanson de Roland.
Une épopée moderne
Quoique le petit Littré s’opposerait farouchement à cette désignation en raison du manque de vers dans les ouvrages, l’histoire de l’Aéropostale qu’ont retracé ces trois Homère a sa part d’héroïsme, de nouveauté, et même d’intervention du divin. Si aucune Athéna ne vient les guider dans l’orage, on ne saurait nier que le Vol De Nuit de Saint Exupéry a des pages mystiques.
Il faut remettre les choses dans leur contexte : la traversée d’une cordillère des Andes, dans une carlingue comme la leur, relève de l’exploit sinon de la folie ! Et le motif de tout cela s’il vous plait ? Le courrier. Nous savons tous pourtant bien que ce ne sont pas les quelques sacs gonflés de lettres qui leurs font tenir tête aux monts blanchis de l’Amérique du Sud. Pour Saint-Exupéry et Guillaumet, ce sera le devoir d’état. La satisfaction du travail accompli et la nécessité impérieuse de l’accomplir sont les raisons de vivre de ces deux amis. Pour Mermoz, elle tient dans une phrase de son ouvrage Mes vols : “L’accident, pour nous, ce serait de mourir dans un lit”. Le besoin d’aventure.
Mythe fondateur pour l’homme moderne
En cela, et sans le savoir sans doute, l’Aéropostale dépasse de loin sa première mission de transporteur de courrier. Elle enseigne tacitement à l’homme moderne la nécessité du dépassement de soi dans cette époque où tout a déjà été découvert. On se désole, d’ailleurs, que l’exposition du Louvre sur les mythes fondateurs de notre civilisation, ait préféré mettre Star Wars comme modèle de notre époque. L’Aéropostale possédait tout cela en mieux : les élèves qui apprennent de leurs erreurs lorsqu’il font face aux cieux qu’ils doivent dominer, le maître sage, Didier Daurat, pygmalion cent fois plus crédible qu’un maître Yoda, l’impérieuse nécessité de sauver non pas un monde en péril, mais l’aventure elle-même dont le “caractère sacré”, ainsi que le dit Rivière dans Vol de Nuit, tend à disparaître…
Avis donc, aux jeunes gens (et aux moins jeunes d’ailleurs) en manque d’idéal et de raison de se lever le matin : questionnez les pages de Mermoz et de Saint-Exupéry. Les envies d’aventures soulevées par Homère ont trouvé leur suite dans les ardeurs de conquête de nos chansons de gestes : auraient-elles atteint leur apogée dans les envols de l’Aéropostale ?