Retour sur la déclaration de l’archevêque de Rouen à la grande rencontre interreligieuse d’Assise où le Pape est attendu ce 20 septembre.
“Oui, l’esprit d’Assise est bien présent, et il porte du fruit un peu partout ! Mais voilà que le mystère du Mal semble nous submerger et venir troubler ce chemin”, a déclaré l’archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun, à la grande rencontre interreligieuse “Hommes et religions”, organisée à Assise par la communauté de Sant’Egidio, 30 ans après celle du pape Jean Paul II qui avait rassemblé plus de 120 responsables religieux du monde. Il est revenu sur le martyre de Jacques Hamel, demandant à ce qu’il ne soit pas brandi comme un étendard pour “se battre ou condamner”.
La rencontre s’est ouverte dimanche, 18 septembre sur le thème “Soif de paix – Religions et cultures en dialogue”, à laquelle le pape François participera ce mardi 20 septembre, jour de clôture. “À l’exemple de saint François, homme de fraternité et de douceur, nous sommes tous appelés à offrir au monde un témoignage fort de notre engagement commun pour la paix et la réconciliation entre les peuples”, a exhorté le Saint-Père à la prière de l’angélus, dimanche. Car, a-t-il dit, “la guerre est partout” et demande plus que jamais que l’on “prie pour elle en ce jour”.
Quelques semaines après l’assassinat du père Jacques Hamel, l’archevêque de Rouen, qui a participé cette semaine à une messe de suffrage célébrée par le Pape à l’intention du père Jacques, a demandé de poursuivre ce dialogue. Un dialogue qu’il souhaite “plus fort et plus vrai, plus intérieur”. Dans la ville du Poverello, Mgr Lebrun est venu demander quatre grâces particulières :
1. Le pardon
Par l’intercession de saint François et du père Jacques Hamel, il demande à Dieu la grâce du pardon, à la lumière de la Parole de Jésus “Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font” car, a-t-il dit, “pardonner deux assassins ce n’est pas si difficile”, mais “ceux qui les commanditent, les encouragent, les approuvent, cela est plus rude”.
2. Aimer comme “des frères”
Lorsque des responsables de Daesh sont tués par des bombardements, quelle est ma pensée : ils ont ce qu’ils méritent ? Ouf, en voilà quelques-uns d’éliminés ? Ou bien que va-t-il se passer pour eux en paraissant devant Dieu ? Mgr Lebrun demande également la grâce “d’aimer comme des frères” les responsables de Daesh, et de “prier pour leur salut”, à la lumière de la Parole de Jésus : “Moi, je vous dis : aimez vos ennemis”.
3. Ne pas se servir du martyre de Jacques Hamel
Le père Jacques appartient à la lignée des martyrs. Il est bienheureux, a dit le pape François. Il n’est pas encore béatifié. Mgr Lebrun reçoit des lettres qui le demandent. “Certaines, affirme-t-il, m’incitent à demander la dispense de 5 ans”. Il demande la grâce que la reconnaissance du martyre ne devienne pas “un étendard que l’on brandit pour se battre et condamner”, mais ” joie de rendre grâce pour un prêtre qui a fait don de sa vie comme le Christ”. En toile de fond la parole de l’Évangile: “Dieu a envoyé son Fils unique… non pas pour juger le monde, mais pour que par Lui, le monde soit sauvé” (Jn 3, 17).
4. Un vrai dialogue avec les musulmans
Pour finir, Mgr Lebrun, demande à Dieu la grâce “d’un dialogue en vérité” avec les musulmans qu’il interpelle sur deux questions capitales pour une “cohabitation possible” : “Dans la vie sociale et familiale, tout est-il compatible entre nos religions ?”, et “qu’est-ce qu’ils appellent leur soumission à un Dieu qui est au-dessus de l’humanité ? Ce qu’ils perçoivent de Dieu n’est-il pas d’un tel absolu que toute réalité, même la vie humaine, n’aurait guère d’importance en comparaison ?”.
L’archevêque de Rouen a demandé ces grâces non sans remercier pour celles reçues depuis l’offrande de la vie du père Jacques Hamel. “Qu’il suffise de souligner la visite rendue par de nombreux musulmans à nos assemblées dominicales le dimanche 31 juillet. C’était bien une famille rendant visite à une famille en deuil, et cela est bon. Nous sommes de la même famille humaine, promis donc à la même famille de Dieu”, a-t-il conclu avec espérance.
30 ans après la visite historique de Jean Paul II
Trente ans après la rencontre d’Assise convoquée par Jean Paul II, près de 500 responsables participent à la rencontre de cette année, parmi lesquels Bartholomée Ier, le patriarche œcuménique de Constantinople, ou encore Justin Welby, l’archevêque de Canterbury.
Dans son discours, à l’ouverture de la rencontre, dimanche, le conseiller politique du Grand Mufti pour le Liban, Mohammad Sammak, a dénoncé les hommes de Daesh comme étant un “groupe de personnes vindicatives, désespérées et extrémistes qui ont détourné l’islam à des fins meurtrières — en faisant référence à la destruction d’églises et monastères en Syrie et en Irak — alors que l’islam interdit à quiconque d’utiliser les pierres d’une église pour bâtir sa propre maison”.
Pour le Secrétaire Général du Comité National du Dialogue islamo-chrétien, les relations entre personnes de religions différentes “ne sauraient reposer ni sur l’élimination de l’autre – comme voudrait Daesh – ni sur la tolérance, mais sur une foi qui croit “au pluralisme et à la diversité, au respect des fondements idéologiques et intellectuels qui constituent la base de la diversité”. La citoyenneté, a-t-il insisté, n’est pas une affaire de tolérance mais de droits”.