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Et si on essayait de vraiment comprendre le Gabon ? (1/2)

©AFP PHOTO / FADEL SENNA

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Michel de Remoncourt - publié le 19/09/16
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Les émeutes récentes ont provoqué de nombreuses réactions de la communauté internationale. Mais l’histoire de ce pays reste méconnue.Embrasement, médiation, option militaire. Le Gabon fait l’objet de beaucoup de questions et surtout de beaucoup de conseils de la part de “pseudo” spécialistes de la question. Comprendre la vie politique d’un pays ne peut pas se faire sur quelques lignes. Les articles qui “expliquent” la crise remontent le plus souvent au mois d’août, ou à la mort d’Omar Bongo en 2009 pour les plus téméraires. Cela nécessite en réalité un travail de fond sur une période bien plus large. Voici quelques clés pour approcher la situation actuelle dans sa globalité.

Une période post-indépendance mouvementée

Si l’indépendance du Gabon s’est en elle-même relativement bien passée, il n’en a pas été autant des années qui ont suivi. Le 26 juillet 1958, le Gabon obtient l’autonomie interne avant de devenir totalement indépendant le 17 août 1960. Le 13 février 1961, Léon Mba, successeur du gouverneur français fut élu à la tête du pays ; des tensions politiques entre partis l’obligent à dissoudre l’Assemblée nationale le 21 janvier 1964. Profitant du désordre général, Jean Hilaire réalise un coup d’État et chasse Léon Mba, rapidement rétabli par l’intervention militaire française. Le président Mba meurt en 1967 après avoir désigné Albert-Bernard Bongo comme son vice-président le 12 novembre 1966.

1985-1995 : dix ans de crise

Confirmé par l’élection présidentielle de 1967, le président Bongo créé un parti unique, le PDG (Parti Démocratique Gabonais) et fait du Gabon un pays très dynamique économiquement en s’appuyant sur le pétrole et le manganèse. Mais à partir de 1984, la baisse du cours du pétrole touche durement la société gabonaise et aboutit à des tensions qui finiront par éclater en émeutes et scènes de pillage en 1989 et 1990 à Port-Gentil et à Libreville. Appuyé par l’armée, le président reprend en main la situation d’une manière brutale.

Pour apaiser les esprits, il permet le multipartisme en 1990. Cette concession est perçue comme un aveu de faiblesse et sert de prétexte à une nouvelle vague de violence en 1994 (émeutes à Libreville). La France engage alors un processus de consultation entre tous les partis à Paris le 27 septembre 1994. Un vote au Gabon approuve ces accords à plus de 95%. Le 6 décembre 1998, Omar Bongo est réélu avec 67% des voix. Fait remarquable, la répartition des votes semble indiquer que le choix n’a pas été ethnique avant tout, phénomène plutôt rare en Afrique.

Bongo père et fils : la difficile transition

Réélu le 27 novembre 2005, le président Omar Bongo aurait du terminer son mandat en 2012. Il meurt le 7 juin 2009 ; son décès ouvre la porte à une intense querelle de succession dont son fils finit par sortir vainqueur. Le 30 août 2009, Ali Bongo devient président à la suite de son père en comptabilisant 41,79% des suffrages exprimés. Quelques troubles s’ensuivent mais la situation revient rapidement sous contrôle.

Les mandats ayant une durée de sept ans, nous avons assisté récemment à un énième soubresaut d’émeutes post-électoral sur fond de contestation du pouvoir en place. En effet, le président Ali Bongo fait face à un bilan économique mauvais et à une contestation interne larvée. Pourtant le voilà encore élu de justesse. Jean Ping crie alors au truquage. C’est en effet très probable, mais le véritable échec de cet opposant n’est pas là.

Une opposition beaucoup trop divisée

Au printemps 2016, une crise interne au PDG a été le point de départ de l’intense complexification de la situation. Des cadres du parti, habituellement constitués sous forme d’une aile dissidente, décident de faire sécession et de créer le RHM (Rassemblement Héritage et Modernité), avec pour candidat aux élections Guy Nzouba-Ndama, le président démissionnaire de l’Assemblée nationale. Puis l’ex-premier ministre Casimir Oyé Mba annonce sa candidature à la tête de son parti Union Nationale (UN). Enfin se présente l’ex-ministre et ex-président de la Commission de l’Union Africaine (UA), Jean Ping, à la tête du FUOA (Front Uni de l’Opposition pour l’Alternance). Mais la procédure de désignation du “candidat unique” de ce parti ayant été très opaque, Jean Ping est soumis à une vive contestation au sein de son propre parti.

C’est dans ce contexte particulièrement complexe et tendu que ce sont déroulées les élections. Il n’est ainsi pas étonnant de constater que la situation soit dans une impasse apparente. Elle ressemble étrangement à celle de la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo en 2011. Beaucoup espèrent dans la décision de la Cour Constitutionnelle. Mais quelle que soit la réponse, elle ne signifiera pas la fin des émeutes. Invalider Ali Bongo, ce sont ses partisans qui créer une émeute ; conforter Ali Bongo, c’est prendre le risque que l’ONU ou l’UE passe outre la souveraineté nationale gabonaise pour invalider les élections. Ce fut le cas en Côte d’Ivoire et c’est peut être là le scénario que cherche à reproduire Jean Ping…


Lire la deuxième partie de cet article ici


 

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