Carnet de route de deux jeunes Français sur la via Francigena.Au camping d’Orbe en Suisse francophone, une cliente vient de partir en offrant aux deux pèlerins hagards que nous sommes une pinte de bière, sonnant comme une récompense après avoir vaincu le Jura. Simplement parce que nous étions français, comme elle, et que nous lui rappelions le pays qu’elle avait quitté pour émigrer en terre helvétique.
Ce cadeau sonne comme une évidence : parler des rencontres qui ont jalonné notre route.
“Dans vingt ans, qui habitera ces villages ?”
Tout d’abord une dame âgée en Seine et Marne qui, allant plus loin que le remplissage de nos gourdes, est allée jusqu’à nous glisser de la nourriture comme si cela allait de soi.
Autre rencontre marquante, celle d’une bande de jeunes manouches protestants aux alentours de Chaumont qui nous offrirent à dîner, sans que nous ne leur ayons rien demandé. Un présent qui a introduit la ville de Mormant avec un groupe représentant une association de microcrédit, œuvrant auprès des gens du voyage qui nous ont reçu très simplement autour du repas du soir, parlant avec passion de leur “apostolat” auprès d’une communauté, que de toute évidence nous ne connaissions pas, mais dont la récente expérience nous a appris que, loin des clichés, ils n’étaient pas les voleurs de poule que la presse nous présente assez régulièrement.
Nous avions parlé lors du premier volet des villages que nous avions traversés, et force est de constater que certains sont bien vivants comme Grandchamp en Haute-Marne, où nous nous vîmes invités par le maire à partager le repas municipal autour des quelques familles restant dans le village. Derrière l’accueil et les plaisanteries, nous sentions poindre un constat amer : dans vingt ans, qui habitera ces villages ? Et pourtant l’heure était à la fête autour de cette table, les plus anciens se remémorent l’époque où le village était rempli, et beaucoup regrettaient que le curé du village n’ait jamais eu de relève. Une réception qui confirme cependant que l’hospitalité reste une tradition française bien vivante.
Néanmoins, nous sentions monter en nous de véritables questions. Qui prendra la relève dans des régions où l’on trouve peu de travail et que les services publics abandonnent ? Un constat partagé par une maire de Haute-Saône nous confiant que, pour faire des économies, certains dans les ministères pensaient devoir supprimer les indemnités des maires de village (250€ par mois TTC).
Des surprises qui allègent le corps et le cœur
L’arrivée à Besançon fut marquée du signe du voyage puisque, le temps d’une soirée, nous avons partagé le toit d’Hombeline, Romain, et de leurs trois enfants. À l’aide de breuvages, n’ayant rien à voir avec le vin de messe, nous avons observé un voyage initiatique menant des coteaux de vignes roumaines à la vodka des steppes mongoles.
Une évasion bienvenue qui aida à oublier un itinéraire bien moins exotique à travers l’agglomération du Doubs.
Les exemples de rencontre ne sont qu’un maigre échantillon de ce que nous vivons depuis vingt jours, mais ils font partie intégrante du pèlerinage et transforment la routine en surprises quotidiennes. Surprises qui allègent le corps et le cœur en alourdissant les intentions que nous portons jusqu’à Rome. La route se suit et ne se ressemble jamais, c’est en partie ce que nous retiendrons de ce périple. Le lac Léman défile sous nos yeux et les Alpes bien visibles au sud-est nous rappellent que nous sommes aux portes de l’Italie.