Aleteia vous emmène à la découverte des lieux insolites qui ont fait l’Histoire de France. Les fleuves aussi ont une histoire, et celle du Rhône accompagne celle de la France. À son extrémité, dans son delta, ce sont Marie-Madeleine et les saintes femmes qui débarquent, apportant avec elles le christianisme en Gaule. Prenant sa source en Suisse, dans le Valais, il traverse le lac Léman et entre en France par Genève, ville si francophile qu’elle a été le refuge du Picard Calvin et le lieu de naissance du philosophe Rousseau. Le Rhône est un fleuve culinaire. Traversant la Bourgogne il est bordé par les vignes qui multiplient les grands crus depuis leurs coteaux, sur les hauteurs. Puis c’est le Mâconnais et le Beaujolais qui trouvent dans le Rhône un port et une voie de communication pour écouler leurs productions. Plus au sud, c’est le vignoble de Châteauneuf-du-Pape, célèbre pour ses galets roulés déposés là par le fleuve. Condrieu, du haut de son pic rocheux, le surplombe, et les vins gris de Camargue naissent dans les sables de ses limons. Quand on cherche la vigne, on trouve la rivière. Si les autres fleuves, Rhin, Marne, Gironde, Loire, sont plutôt monothématiques, le Rhône a pour lui la grande diversité des crus.
La traversée de Lyon
À Lyon, le Rhône rencontre la Saône et de cette union naît un débit plus grand et plus tumultueux. Le Beaujolais est le troisième fleuve de la cité, selon le bon mot des Gones. Le fleuve se faufile entre les collines, celle qui prie, Fourvière et sa basilique mariale, et celle qui travaille, la Croix-Rousse et ses soieries. Si aujourd’hui le fleuve est calme, c’est parce que le trafic emprunte sa vallée, par le train et par la route. Mais durant des siècles c’est par lui et ses bateaux qu’ont transité les tonneaux de vin, les marchandises, les outils et les appareils produits et vendus par les hommes. Le Rhône fut la colonne vertébrale de cette région, par laquelle se diffusa la foi chrétienne, comme en témoignent les martyrs de Blandine et du premier évêque Pothin, dans un amphithéâtre de la ville, en 177.
Le fleuve frontière
Le Rhône fut longtemps la frontière entre la France et l’Empire. Sur la rive gauche se trouvait également l’enclave papale d’Avignon, annexée par la France en 1791. Le pont Saint-Bénezet était la voie permettant de passer d’un pays à un autre et il fut pendant plusieurs siècles un des rares ponts enjambant le Rhône, donc un lieu de passage indispensable pour les marchands, et un lieu majeur pour la collecte des taxes. Désormais détruit sur une partie de sa longueur, on peut y danser, mais non le traverser.
La Nationale 7
Sur la route des vacances, la France des Trente glorieuses emprunte la Nationale 7, qui conduit de Paris à Menton. C’est la route du soleil et du bonheur, devenue route de l’insouciance pour un passé qui ne peut être que forcément meilleur. Charles Trenet chante sa célèbre chanson en 1955 : “On est heureux Nationale 7”. D’autant plus heureux que l’on peut faire des haltes gastronomiques tout au long du voyage. La Maison Troisgros ouvre à Roanne, sur le parcours de la Nationale. À Lyon, la Mère Brazier et Paul Bocuse ont aussi leur restaurant étoilé en bordure de la route. Avant d’arriver sur les bords de la grande bleue on pouvait conjuguer la nécessité du transport au plaisir des étapes gastronomiques, le guide rouge Michelin bien calé dans la boîte à gants. À Lapalud, dans le Vaucluse, on s’arrêtait pour acheter un chapeau de paille. Bien vissé sur la tête, il préparait les joies du camping et de la plage. L’autoroute du soleil a mis un terme au charme de la Nationale 7, mais a facilité le temps de transport jusqu’en Provence.
Le Rhône et le nucléaire
Moins poétique peut-être, mais plus stratégique, le Rhône est bordé de nombreuses centrales nucléaires, dont celle du Tricastin. On les aperçoit depuis les petites routes de campagne ou bien en passant vite, sur l’autoroute, ces centrales qui fournissent l’énergie nécessaire au développement de la région. À Manosque, Jean Giono a écrit sur l’immutabilité de sa campagne et sur le temps qui passe. C’est aujourd’hui le site d’installation de l’EPR, plein de promesses pour l’indépendance énergétique du pays. Derrière l’apparence inchangée du fleuve se glissent les transformations essentielles de la modernité.