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La balade de l’Histoire. 13e étape : Haut-Brion

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Jean-Baptiste Noé - publié le 24/08/16
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Aleteia vous emmène à la découverte des lieux insolites qui ont fait l’Histoire de France. Parmi tous les châteaux bordelais et toutes les appellations de la Gironde, le château Haut-Brion occupe une place à part dans l’histoire du vin français. Il est à la fois le signe du renouveau des vins de Bordeaux, qui se hissent désormais au rang des grands vins d’Europe, et le début d’une nouvelle période dans la façon de consommer les vins et de pratiquer les arts de la table.

Pendant toute la période médiévale, Bordeaux fut un vignoble secondaire. Les grands crus se trouvent en Bourgogne, à La Rochelle ou à Laon. Paris est entouré de vignes, qui abreuvent le peuple laborieux. Toutefois, les vignes de Bordeaux trouvent leurs racines dans les premiers temps de l’Empire romain. L’ouverture vers l’Angleterre permet de vendre du vin sur l’île et Bordeaux devient la première place viticole d’Albion. Ces liens anglais sont intensifiés par la famille Pontac, propriétaire du château Haut-Brion, dans les Graves. C’est en 1525 que Jean de Pontac acquiert ces terres par mariage. Si la vigne y est déjà présente, le vin n’est pas de grande qualité.

Un siècle plus tard, en 1649, Arnaud de Pontac devient propriétaire des vignes et du château de Haut-Brion. Juriste, il fut premier Président du Parlement de Bordeaux et consacra une partie de sa fortune et de ses relations à améliorer son vin. Novateur de génie, Pontac comprit qu’il était temps d’améliorer la qualité de sa boisson pour la vendre aux fins palais fortunés. Pour cela, il développa des techniques qui permirent d’assurer la conservation de son vin et donc de le faire vieillir : élimination des grappes pourries, utilisation de fûts neufs, remplissage des cuves pour éviter l’oxydation du vin. À cela, Pontac ajoute une grande nouveauté : il commercialise son vin sous son propre nom, alors que les autres vins sont vendus en vrac dans des barriques. Le Haut-Brion devient ainsi une marque reconnue et donc honorée. Ce vin rouge qui se bonifie en vieillissant fut appelé New French claret par les Anglais, qui en raffolèrent et en commandèrent plusieurs barriques. Le Haut-Brion imposa son style et les autres vins de Bordeaux s’en inspirèrent.

La fortune anglaise

Le Haut-Brion est servi à la table du roi d’Angleterre Charles II, ce qui est la meilleure publicité que l’on peut faire à un vin. L’aristocratie anglaise imita son souverain et acheta également ce Bordeaux-là. Pontac n’est pas qu’un vigneron, mais il possède aussi un redoutable sens commercial. En 1666, il envoie son fils à Londres pour assurer la vente du vin. La capitale anglaise est en pleine reconstruction, suite à l’incendie qui l’a ravagée. François-Auguste de Pontac ouvre un restaurant, le Pontack’s Head, où l’on sert une cuisine raffinée et du Haut-Brion. C’est un très beau coup marketing, qui permet à ce lieu de devenir l’endroit où il faut être vu.

Avec Pontac, le vin de Bordeaux change radicalement d’image. Ce vin du peuple vendu dans les tavernes devient un vin d’élite, consommé par les aristocrates. Cette renommée permet à ce vin de surmonter de graves crises. En 1679, l’Angleterre interdit l’importation de vins français. La place de Bordeaux est gravement atteinte par la fermeture de ce marché. Le marché anglais est rouvert en 1685, mais pour une courte période. En 1689, Guillaume d’Orange monte sur le trône. Très hostile aux Français, il accroît considérablement les tarifs douaniers pour empêcher la venue des vins. Le coup est rude. Les plus pauvres ne peuvent plus acheter du vin français, seules les personnes fortunées peuvent encore se payer ces appellations. Comme c’est justement les consommateurs visés par Pontac, cela permet au domaine de maintenir ses ventes.

Successions et possessions

Les différentes successions firent changer le domaine de mains. Les propriétaires furent multiples, dont Talleyrand, qui l’acquit en 1801. Diplomate habile et fin gourmet, son attirance pour ce château est signe de l’excellence de celui-ci. Les changements de mains n’empêchent pas l’excellence de se maintenir et de se développer. Haut-Brion est le seul cru des Graves à être classé Premier grand cru en 1855, un classement prestigieux qui jouit encore d’une grande autorité morale.

Des amateurs célèbres

L’excellence d’un vin se jauge aussi à l’aune de ses amateurs. Si le roi d’Angleterre le fit servir à sa cour, d’autres Anglais apprécièrent ses flaveurs. L’écrivain Samuel Pepys l’évoque à plusieurs reprises, ainsi que le philosophe John Locke. Ce dernier vient même visiter le vignoble en 1677 pour découvrir la terre qui produit un si grand vin. Il est surpris par la pauvreté du sol, comprenant que c’est cette pauvreté qui permet la richesse de ce vin. Thomas Jefferson, ambassadeur des États-Unis en France, est un autre amateur et visiteur célèbre. Il mentionne le Haut-Brion dans ses carnets de dégustation et le recommande à ses amis. Devenu président des États-Unis il s’en fait livrer plusieurs caisses. Après la traversée de la Manche, il inaugure celle de l’Atlantique.

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