Lundi après-midi, un jeune homme, mesurant plus d'1m80, cheveux longs, tatoué et habillé tout en noir, entrait sans grande difficulté dans le sanctuaire avec sa valise. Même si des gardes étaient postés aux entrées et effectuaient quelques fouilles "sommaires". Mardi matin, un journaliste est arrivé à sortir par un portail de service qui n'était pas surveillé. Dans les rues, on ne voyait que quelques agents de surveillance de la voie publique (ASVP) et des policiers municipaux. La police était a priori présente, selon quelques témoignages, mais peu visible.
Mais ce jeudi, premier jour du 143e pèlerinage national, les choses ont clairement changé. Des militaires et des policiers étaient en effet bien présents dans le sanctuaire et aux abords du site. Les fouilles, quant à elles, avaient revêtu un caractère beaucoup plus sérieux. Un garde utilisait d'ailleurs un détecteur de métaux lors du passage de chaque pèlerin.
Des pèlerins qui n'ont pas peur
Dans les files d'attente, on comprend volontiers les mesures de sécurité. Et on est même rassuré quant aux efforts apportés depuis le début de la semaine. Mais malgré les récents événements, les pèlerins n'envisagaient pas de reporter leur déplacement. Il y a moins de pèlerins, c'est un fait. Mais c'est un phénomène observé depuis plusieurs années déjà.
Pour autant, les attentats n'ont pas effrayés ceux qui continuent à se rendre aux sanctuaires. "Il n'y a pas eu d'annulations, quelques Américains seulement. C'est normal avec ce qu'ils entendent sur la France", confie un hôtelier. "L'activité est normale", indique un autre. Une question qui semble toutefois déranger, certains n'ayant pas souhaité réagir.
Isabelle, 41 ans, originaire de Bruxelles, est venue cette année pour la première fois à Lourdes. "J'ai assisté au premier forum d'Europe des laïcs assomptionnistes qui s'est déroulé quelques jours auparavant. J'ai donc profité de l'occasion, je n'étais jamais venue dans la cité mariale. Je n'ai pas peur des attentats. S'il doit arriver quelque chose, cela arrivera. Il faut continuer à vivre", explique-t-elle.
Jean-Marie a 31 ans et est originaire de Lyon. Il est responsable de la pastorale des jeunes au sein du pelerinage national. "Si ça doit arriver, ça arrivera. Je ne vais pas m'empêcher de vivre", note-t-il. Erwan est aussi originaire de la Cité des Gaules. "Ce sont les Augustins de l'Assomption qui organisent cela. Par ailleurs, le pèlerinage est présidé cette année par le cardinal Barbarin. Il fait beaucoup de choses pour l'Église de Lyon, il la fait bouger et la dynamise. Nous avons beaucoup de chance d'avoir un pasteur comme cela", souligne-t-il.
Marie-Ange, 62 ans, vient de Montrouge. Pour elle, le pèlerinage se fera entre amis. Elle profitera notamment de la halte spirituelle. Oui, les attentats, elle y pense. Mais comme les autres, pas plus que cela. "Notre destin, on ne le connaît pas. Si on doit mourir... je ne veux pas m'arrêter à cause des attentats. Ce serait donner un blanc-seing à Daesh", relate-t-elle.
Un pèlerinage reste un moment important dans la vie d'un croyant. "C'est un lieu de rencontre avec Dieu et soi-même. Quelque soit le pèlerinage, il y a un passage au désert. Cela renouvelle profondément celui qui entre dans la démarche du pèlerin", explique le père assomptionniste Benoit Gschwind, provincial d'Europe des Augustins de l'Assomption. "Cette démarche fait grandir dans la foi l'espérance et la charité", indique quant à lui le père assomptionniste Fabien Lejeusne, directeur du pèlerinage national.
Des moyens de sécurité importants
Les pèlerins peuvent avoir l'esprit tranquille, ils seront en effet protégés. "Il fallait respecter l'esprit du lieu (recueillement, célébration) et protéger les pèlerins. Nous avons organisé la sérénité. Les services de l'État se sont mobilisés, les moyens sont considérables", indique en effet Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes.
Le pèlerinage national, organisé par la congrégation des Augustins de l'Assomption et l'hospitalité Notre-Dame-du-Salut, a même modifié son programme. La procession du 14 au soir ne partira pas de l'église paroissiale, mais restera sur le site du sanctuaire. "C'est juste la partie dans la ville de Lourdes qui est annulée", précise Benoit Gschwind. "Cela ne faisait de toute façon qu'une quinzaine d'années que la procession empruntait cet itinéraire." La nuit de la miséricorde s'est également transformée en "veillée de la miséricorde", pour des questions de sécurité.
Concrètement, les fouilles sont par exemple systématiques à l'entrée du site. Trois point d'accès sont ouverts, contre une douzaine d'ordinaire. Le sanctuaire sera également fermé la nuit. Et c'est une première. Il ouvrira en effet ses portes de 5h à 00h30. Les gardes du sanctuaire – une quarantaine – sont aidés lors de ces prochains jours par une société de sécurité privée.
Plusieurx arrêtés – préfectoraux et municipaux – ont également été pris. Une zone de sécurité renforcée (site du sanctuaire) et une zone de patrouille et de surveillance intensifiée (la ville et ses abords) ont été instaurées. Un plan de circulation a été mis en place, des plots en béton sont périodiquement installés dans le bas de la ville afin d'empêcher la circulation de tout véhicule. Le survol de la ville de Lourdes, par des aéronefs circulant sans personne à bord (dont les drones) est interdit durant toute la durée du pèlerinage national. La SNCF reste également vigilante en gare de Lourdes, mais aussi dans les trains de pèlerins. Outre la présence de la sûreté ferroviaire, des fouilles peuvent par exemple être menées.
Vers une sécurisation à long terme
En ce qui concerne les forces de sécurité intérieure, quatre unités de forces mobiles seront déployées sur la période du 11 au 24 août (environ 160 agents sur la période du 11 au 16 août, un peu moins sur la période du 17 au 24 août). Une unité Proterre de l’Armée (27 militaires), des équipes de déminage, avec l’appui de deux équipes cynophiles spécialisée dans la détection d’explosifs, sont également mobilisés. Le RAID procédera en parallèle à une reconnaissance préventive afin de préparer toute intervention en cas de nécessité. Enfin, des renforts locaux des commissariats de Tarbes vers Lourdes, ainsi qu’une quinzaine de policiers de départements voisins, compléteront le dispositif (équipages BAC supplémentaires, formation motocycliste urbaine, etc.). Ce dispositif sera d'ailleurs présenté au ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui se rendra à Lourdes ce samedi 13 août dans la matinée.
Béatrice Lagarde, préfète des Hautes-Pyrénées a par ailleurs annoncé dernièrement la création d'un groupe de travail visant à une sécurisation de moyen et de long terme du site du sanctuaire.