Dans un livre-entretien avec son intervieweur de toujours, Peter Seewald, Benoît XVI sera le premier Pape de l’Histoire à dresser un bilan de son propre pontificat.Ses nuits d’insomnies après le conclave, les luttes internes, sa renonciation, ce qu’il sait des scandales ayant éclaboussé le Vatican. Benoît XVI, Pape émérite depuis plus de trois ans, contre toute attente, se racontera dans un livre dont la sortie est prévue en septembre prochain. Le quotidien national italien, Il Corriere della Sera, en fait l’annonce ce 1er juillet, dans un article rapporté par le Sismografo. Il s’agira d’un nouveau livre-entretien avec l’écrivain allemand, Peter Seewald, qui avait déjà publié trois volumes de dialogues avec lui, au cours de ces trois dernières décennies : deux quand il était cardinal (en 1996 et 2000), et un quand il était Pape (en 2010) intitulé Lumière du monde.
De ces quatre volumes, le dernier en préparation, intitulé en italien Ultime conversazioni (Dernières conversations, en français), est annoncé par Luigi Accattoli comme celui qui suscitera probablement le plus d’intérêt, car si le précédent avait créé l’événement en livrant les confidences d’un “Pape”, celui-ci rapportera celles d’un “Pape émérite”, une grande première dans toute l’histoire de l’Eglise. C’est d’ailleurs ” la première fois, en 2000 ans, qu’un Pape tracera un bilan de son propre pontificat”, a commenté l’éditeur allemand Droemer, coordinateur de la sortie de l’ouvrage dans les différentes langues.
Une grande première
Simple et discret, Josef Ratzinger, qui aura 90 ans en avril 2017, vit depuis sa renonciation, dans l’ombre et le silence du monastère Mater Dei, au cœur des jardins du Vatican. Prières et promenades rythment ses journées qui lui ont valu un bel hommage de son successeur, le pape François, pour les 65 ans de son ordination sacerdotale. Mais si Benoît XVI privilégie le retrait en “haut de sa montagne”, caché du monde, et avare de paroles – sa dernière rare sortie en public remonte au jour de l’ouverture de la Porte sainte pour le Jubilé de la miséricorde – quand il décide de parler voilà qu’il le fait à cœur ouvert et sur tous les sujets, même les plus houleux, comme semblent dire les divers médias qui font écho à ce nouvel ouvrage.
Le prochain ouvrage est présenté comme son “testament”, rapporte il Corriere, dans lequel Josef Ratzinger répond “sans réticences” à des questions qui l’ont tout particulièrement touché, et touché l’Église : sa décision de renoncer au siège de Pierre, l’élection de son successeur, sa vie d’homme, sa famille, jusqu’aux affaires houleuses qui ont agité le Vatican, comme par exemple la soi-disant présence d’un “lobby gay” au Vatican.
Ses peurs et ses doutes
Un livre plein d’émotions, vous annonce-t-on, qui pourrait en susciter tout autant ! Comme celle éprouvée au moment de prendre sa décision de quitter le siège de Pierre, longuement mûrie, et préparée avec un tout petit groupe de personnes. Benoît XVI révèle avoir vécu dans la peur ce moment, craignant une “fuite d’informations qui aurait affaibli l’annonce” qu’il s’apprêtait à faire et qui n’était pas des moindres. Comment lui donner tort, commente Luigi Accatoli, quand on sait que jamais le Vatican n’a connu autant de fuites d’informations que sous son pontificat. Et il raconte que c’est également “la peur de commettre des erreurs en italien” qui l’a incité à annoncer son retrait en latin.
Josef Ratzinger a eu des doutes aussi – qu’il a du surmonter dans “un dialogue avec lui-même” – sur les conséquences que sa décision pouvait avoir sur l’avenir de la papauté. Niant par la même occasion avoir subi un quelconque chantage ou pression de la part de quiconque.
Sur François et Jean Paul II
Benoît XVI raconte avoir suivi de Castel Gandolfo les chroniques télévisées des fumées et avoue avoir accueilli “avec surprise” le nom de son successeur : il avait des noms en tête, mais pas celui de Jorge Mario Bergoglio. Puis la joie a pris le dessus lorsqu’il a vu comment le nouveau pape priait et communiquait avec la foule. Benoît XVI, conscient des différences qui caractérisent leurs deux personnes, les décrit mais dresse aussi une liste de points qu’ils ont en commun. Il parle également des liens “très forts” qui l’unissaient à Jean Paul II, lequel avait toujours refusé qu’il démissionne de ses charges pour l’avoir à ses côtés jusqu’à la fin.
Face aux critiques
À un autre moment, le prédécesseur de François rejette l’idée ou la critique selon laquelle il était un pape “trop académique”, centré sur ses recherches et sur l’écriture. Il refuse d’être considéré comme celui qui “rétablit” la liturgie. Sur les divers scandales, il raconte brièvement sa tentative de réformer l’IOR (l’Institut pour les Œuvres de Religion, la banque du Vatican) et rappelle les lois qu’il a promulguées contre le blanchiment d’argent, évoque le fléau des abus sexuels et ne manque pas de souligner les difficultés qu’un pape rencontre lui aussi quand il veut intervenir sur “des choses qui salissent l’Église”.
Ses aveux
Enfin, pour la première fois, Josef Ratzinger reconnaît avoir eu connaissance de la présence d’un “lobby gay” au Vatican, formé de quatre ou cinq personnes, et affirme avoir réussi à le dissoudre. Il avoue son manque de fermeté dans la conduction des affaires de l’Église, et révèle avoir pris des notes sur beaucoup d’affaires, tout au long de son pontificat. Mais, pour ceux qui pourraient s’en réjouir, il a déjà fait savoir qu’il les détruirait : “Même si je suis conscient qu’elles seraient “un régal” pour les historiens !”, aurait-il ajouté.