Clément et Jean, marins de profession sont revenus lundi dernier d’une campagne de dix semaines en Méditerranée à bord de l’Aquarius. Ils sont arrivés à Marseille dans la nuit. De retour en France après 10 semaines passées sur l’Aquarius dans les eaux internationales entre l’Italie et la Lybie. Le teint halé mais chiffonné par la fatigue, Jean Passot, 27 ans, et Clément Turrel, 23 ans, ont contribué à sauver la vie de 917 personnes. Des hommes, des femmes, des enfants et même des nouveaux-nés, candidats à l’exil en Europe au péril de leurs vies. Durant deux mois et demi, Jean et Clément, deux marins marseillais ont pris part à six campagnes de sauvetage à bord de l’Aquarius, navire de 77 mètres affrété par l’association SOS Méditerranée.
Une réalité qui éveille les consciences
À peine revenus en France, les deux amis, membres de l’aumônerie des jeunes marins de Marseille, ont bien l’intention de repartir sur l’Aquarius dès que possible. “Une chose est d’entendre parler de réfugiés qui se noient dans les médias, une autre est de leur tendre la main pour les sortir de leur zodiac prêt à couler”, explique Jean, élève à l’École Nationale de la Marine Marchande. Le jeune homme raconte les êtres entassés, trempés et transis de froid depuis leur départ des côtes libyennes. “Les passeurs leur font croire qu’en deux heures, ils auront rejoint l’Italie. À la vitesse de dix nœuds, nous mettons plus de vingt heures avec l’Aquarius”, relève Clément qui avoue avoir été choqué par “la capacité des hommes à maltraiter d’autres hommes”.
Témoins du drame
“Je m’étais préparé à vivre des choses dures”, explique Clément, le benjamin de l’équipage sur l’Aquarius. Malgré cela il a été très surpris et impressionné par le cinquième sauvetage sur lequel l’Aquarius a été engagé. “Le centre de coordination des opérations basé à Rome nous a signalé un appel de détresse auquel nous avons répondu. Sur place, nous avons découvert une embarcation en panne, à moitié dégonflée”, raconte Clément. Il décrit la panique des naufragés, la raison annihilée par la peur. Après avoir entendu les réfugiés, Clément pense que “par ce que l’homme est capable de repousser sans cesse les limites du “Mal”, d’autres sont invités à aller plus loin dans leur action pour le “Bien”.”
Surmonter l’épreuve avec la foi
Jean, lui, confie qu’il s’est “forcé à compter et recompter toutes les personnes sauvées”. Catholique, ce dernier a profité de ses heures de temps libre pour confier à Dieu toutes ses vies, sauvées ou non, tous ces visages croisés. “La prière a été un vrai soutien durant toutes ces semaines. La mienne s’est réellement enrichie durant ces journées. En escale, le fait de pouvoir assister à la messe m’a également permis de tenir, de recharger les batteries et de ne pas être tenté de tout porter seul.”
Pour Jean, le fait de prendre part à l’action initiée par SOS Méditerranée en cette année de la miséricorde lui a donné un sens particulier. “En mer, j’avais souvent à l’esprit la parabole du Bon Samaritain”. De même, il avoue avoir été édifié par la foi des migrants. Les chants de louange des femmes camerounaises rendant grâce à Dieu pour leurs vies sauvées résonnent encore à ses oreilles. Il garde aussi en mémoire les images de ces hommes à genoux et embrassant le pont de l’Aquarius.
Venir en aide aux migrants
Clément et Jean racontent la fierté qu’éprouvent famille et amis devant ce qu’ils ont fait. Les deux amis n’en tirent aucune gloire. Juste la satisfaction d’avoir pu être “utiles”. Jean s’éclipse pour refaire sa valise : demain, il est attendu en Mayenne pour la confirmation d’un filleul. Et pour Clément, d’aller retrouver ses amis Marseillais sur le Vieux-Port. Tout simplement.
Pour pouvoir poursuivre son action, l’association SOS Méditerranée est toujours à la recherche de financement. À titre d’information, une seule journée en mer coûte 11 000 euros !
Vous pouvez faire un don pour aider l’association SOS Méditerranée.