separateurCreated with Sketch.

“L’Aquarius est un don de Dieu”

L'Aquarius, le 19 février 2016 à Marseille avant son départ en mission avec Médecins du Monde et SOS Méditerranée.

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Jean-Claude Gerez - publié le 21/04/16
whatsappfacebooktwitter-xemailnative

Diacre depuis 20 ans, un ancien marin a organisé l’escale à Marseille de ce bateau chargé de sauver la vie de migrants perdus en mer.Son regard franc est bleu comme cette mer Méditerranée qu’il connaît si bien. Ses mains, fortes et douces à la fois, témoignent de la bonté d’âme de ce marin au long cours, fils et père de gens de mer. À 65 ans, Jean-Philippe Rigaud ne navigue plus depuis quelques années déjà. Finies les traversées des océans comme capitaine de 1ère classe de la marine marchande. Terminées aussi les rotations effectuées dans la deuxième partie de sa carrière, comme pilote dans la rade de Marseille, à faire entrer ou sortir les mastodontes d’acier du port de la cité phocéenne.

De ce temps-là, Jean-Philippe ne conserve pas de nostalgie particulière. Pas le temps. Car celui qui a été nommé il y a tout juste vingt ans diacre permanent de l’Église catholique est le représentant de la Mission de la mer pour le diocèse de Marseille. Sa fonction ? “Être attentif à la communauté maritime locale et de passage, s’occuper de l’aumônerie de l’école de la marine marchande, porter attention aux marins malades ou aux épouses de marins qui auraient besoin d’un service et accueillir des marins de passage.” Une mission qui a pris un tour particulier en février dernier, lorsque Jean-Philippe a organisé et accueilli l’escale technique de L’Aquarius, le bateau affrété par l’association SOS Méditerranée, dont l’objectif est de sauver les vies de migrants à la dérive.

“Quand j’ai su ce qu’était le projet, j’ai foncé !”

La rencontre de Jean-Philippe Rigaud avec les protagonistes de L’Aquarius s’est faite en deux temps. “La première fois que j’ai entendu parler de ce projet, c’était en mars 2015, explique-t-il. Nous avons reçu à Marseille les coordinateurs mondiaux de la Mission de la mer. Pour la 1ère fois, cette rencontre se déroulait en dehors du Vatican et Marseille avait été choisie. Profitant de cette réunion, les personnes qui étaient sur le point de créer SOS Méditerranée, m’ont contacté en me demandant de faire passer un dossier évoquant un projet permettant de sauver des gens qui se noyaient en Méditerranée.” Jean-Philippe transmet les documents et les mois passent…

© Jean-Philippe Rigaud

© Jean-Philippe Rigaud
© Jean-Philippe Rigaud

“Le 27 janvier 2016, poursuit le diacre, j’ai été contacté par un pilote du port de Sète, responsable du pôle maritime de SOS Méditerranée. Il m’a dit que le bateau devait faire une escale technique à Marseille les 19 et 20 février et qu’il n’avait aucun contact sur place pour organiser cette escale.” Curieux, Jean-Philippe s’enquiert de la nature du projet Aquarius. “Et en l’écoutant me parler de cette initiative, j’ai tout simplement craqué ! Je n’ai même pas réfléchi. J’ai foncé !” Jean-Philippe contacte ses collègues du port qui lui apportent immédiatement leur soutien. “Tout le monde a répondu présent, se souvient Jean-Philippe. Et tout cela gratuitement !”

“Sauver des vies en mer, c’est noble !”

La raison d’un tel engouement ? “J’ai trouvé que ce projet était absolument extraordinaire, s’exclame Jean–Philippe Rigaud. Car cela touche profondément tout marin. Quand on navigue, être naufragé, est une chose à laquelle on pense forcément. On a tous des amis qui l’ont été. On connaît tous des familles qui ont des disparus en mer. Et se dire que des gens sont dans l’eau et que personne ne fait rien, c’est catastrophique. D’ailleurs, la loi nous l’impose puisque l’assistance aux personnes en mer est obligatoire. C’est la noblesse de notre métier, quelle que soit la cargaison transportée. On est forcément touchés en voyant des gens affréter un bateau uniquement pour aller sauver des naufragés !”

Lorsque L’Aquarius, un bateau allemand d’assistance en mer de 77 m, accoste dans le port de La Joliette, tout est prêt pour l’accueillir. “Les gens de la mer se sont mobilisés pour donner à cet événement une visibilité importante”, se réjouit le diacre. Spectacles, animations, concert de Miguel Angel Estrela, le célèbre pianiste argentin. Et puis surtout, près de 1 500 personnes sont montées à bord de L’Aquarius pour le visiter. “Parmi eux, il y a avait des marins et leurs familles, ainsi que des gens touchés par la problématique des migrants.” Sans oublier les prêtres et autres membres du diocèse de Marseille, alertés par Mgr Jean-Marc Aveline, évêque auxiliaire de Marseille, venu célébrer une messe sur le bâtiment.

Une lettre au pape François

À en juger l’enthousiasme de Jean-Philippe Rigaud, ces deux jours d’escale ont été utiles et très forts émotionnellement. “L’association SOS Méditerranée a pu récolter quelques dizaines de milliers d’euros pour prolonger sa mission. Et cet aspect là est central”, martèle le diacre. Car L’Aquarius a été affrété pour trois mois. Or un jour d’affrètement coûte 11 000 euros et la lutte des membres de l’association est quotidienne pour obtenir des financements à travers des dons. “11 000 euros, cela peut paraître beaucoup, admet Jean-Philippe. Mais cela ne fait que 7 euros la minute. Et en une minute, on peut en sauver des vies !” Un leitmotiv qui a poussé le diacre à adresser récemment un courrier au pape François, pour lui demander une lettre de soutien.

En attendant une éventuelle réponse du Saint-Père, Jean-Philippe Rigaud pense chaque minute “à tous ces migrants qui mettent leur vie en péril dans l’espoir d’une vie meilleure”. Des hommes et des femmes parfois obligés de rester debout pendant des jours dans des canots dont les planches au sol sont hérissées de clous pour les empêcher de s’asseoir, “pour faire plus de place et charger plus de personnes”, se désespère le représentant de la Mission de la mer. Comme ce dimanche 17 avril, où L’Aquarius a sauvé 108 migrants africains qui dérivaient au large de la Libye dans une embarcation précaire. Face à de tels traitements, le marin refuse d’ailleurs de se demander ce que l’on doit faire ensuite des naufragés et interroge : “Peut-on laisser mourir quelqu’un pour la seule raison que son existence risquerait de me déranger ?”.

“L’Aquarius est un don de Dieu”

En fait, pour le diacre de la Mission de la mer, la dimension spirituelle mission de L’Aquarius est encore plus évidente. “Tout marin, quelle que soit sa religion, et même s’ils n’en a pas, a prié un jour sur son bateau. Parce qu’il y a un souci de santé chez lui ou parce qu’il ne sait pas si le bateau va revenir, le marin forcément se réfère un jour à une entité plus forte que lui. À un Dieu, pour résumer. Même s’il ne sait pas comment l’appeler. La dimension spirituelle du marin est quelque chose de très fort. Et quand vous êtes un naufragé, inévitablement, vous priez. Et si à ce moment là, L’Aquarius arrive, c’est un don de Dieu.”

Vous pouvez soutenir SOS Méditerranée en ligne en cliquant ici ou bien en envoyant un chèque à l’ordre de SOS Méditerranée :
SOS Méditerranée
BP 70062
13382 Marseille PDC

Newsletter
Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)