Cyril Tisserand vit avec sa femme et ses neuf enfants dans les quartiers nord de Marseille. Un livre à paraître retrace le parcours de son asso dans les cités.Aleteia : Pourquoi ce livre ?
Cyril Tisserand : Durant plus de 10 ans, j’ai été missionnaire dans la cité au sein du Rocher. Aujourd’hui, si je reste très proche de l’association, je suis moins présent sur le terrain mais continue à vivre des grâces du Rocher. Avec ce livre, j’avais envie de dire que chacun pouvait faire l’expérience de ces grâces au quotidien, qu’il vive à Marseille ou dans le XVIe arrondissement à Paris.
Adolescent, j’ai découvert la banlieue, la frontière entre les cités et le reste de la France. Ce fut un choc pour moi. 25 ans plus tard, une partie des enfants de la cité l’ont quitté pour vivre dans les centres-villes, dans les villages. Nous les croisons au travail dans nos entreprises. Je connais plein de jeunes qui ont réussi et vivent désormais dans les beaux quartiers.
Pour autant, la France se tend et le communautarisme se renforce, signifiant l’échec de trente ans de politique de la ville et le gaspillage de milliards d’euros.
Quel est le problème selon vous ?
La peur. Et plus précisément, la peur de ne pas être aimé tels que nous sommes. Les blancs ont peur de ne pas être aimés par les beurs, les beurs ont peur de ne pas être aimés par les blancs, les noirs ont peur de ne pas être aimés par les beurs, et vice-versa… Aujourd’hui, personne ne croit qu’une vie ensemble est possible. Le désamour de la France est devenu une mode, qui me blesse beaucoup. Or, notre pays est fille aînée de l’Église et – on l’oublie souvent – éducatrice des peuples : c’est dire qu’elle est là pour donner un message au monde.
Ce sentiment de peur naît en premier lieu de notre propre orgueil, qui consiste à penser que nous sommes meilleurs que les autres. La peur est aussi le fruit de l’absence de rencontres entre les différentes communautés. Les catholiques ne rencontrent jamais de musulmans et inversement. Ils n’ont les uns des autres qu’une vision fantasmée, construite sur la base des seuls échos médiatiques.
Que préconisez-vous ?
Je propose à tous ceux qui souhaitent bâtir la “civilisation de l’Amour” chère à saint Jean-Paul II de devenir des “missionnaires de la relation”. C’est très simple et concret : l’essentiel avant tout est de passer à l’action et de se mettre dans une attitude propice à la rencontre : dire bonjour, sourire, etc… Puis, je peux aller rendre visite à mes voisins, faire du soutien scolaire dans un centre d’action sociale. Je vous promets que dans ces lieux certains enfants n’ont jamais vu un grand-père européen !
Faisons peu mais faisons-le ! J’ai un ami catholique qui élève ses enfants dans une grande ouverture d’esprit. Mais ceux-ci n’ont jamais rencontré des enfants musulmans, juifs, etc… Je lui ai récemment dit que s’il voulait être un bon père, il devait organiser cette rencontre car un jour, ses enfants feront les mêmes études, travailleront dans les mêmes entreprises, etc…
Oui, le racisme existe : le racisme contre les beurs, les noirs, les juifs, etc… Le racisme anti-blanc existe aussi et il ne faut pas le taire car la fin du communautarisme passera par la justice. Mais je peux vous promettre que toutes les rencontres intercommunautaires ou interreligieuses que j’ai pu organiser se sont toujours bien passées. Pourquoi ? Parce qu’une fois que le sentiment de peur s’est estompé, le cœur de l’homme a tout simplement soif de nouvelles rencontres et de nouvelles amitiés.
Bâtisseurs d’espérance, de Cyril Tisserand. Éditions Artège, 18€.