En chemin vers Pâques, Aleteia vous propose de tester vos connaissances iconographiques et de découvrir le sujet de ce "tableau mystère spécial Carême". Pouvez-vous identifier la scène représentée ? Qui a peint le tableau ? À quelle époque ?
Qui est cet homme cachant son visage ? Si vous n’avez pas encore deviné, notez que cette œuvre d’un peintre français illustre un épisode de l’Ancien Testament, et soyez attentif à la première lecture de ce troisième dimanche de Carême.
Un tableau peint par un artiste protestant
Ce sujet n’est pas un unicum dans l’œuvre de l’artiste qui a consacré tout un cycle peint à l’histoire de Moïse, destiné à être tissé par la manufacture Aubusson. Il existe donc une tapisserie du même sujet, datée des années 1657-1663, dont la composition diffère cependant. Originaire de Montpellier, cet artiste français du XVIIe siècle nommé Sébastien Bourdon, était protestant. À l’époque où l’Édit de Nantes était remis en question, la figure de Moïse avait une signification particulière pour les protestants, celle du prophète libérateur. En établissant un parallèle avec les Hébreux, les protestants persécutés se sont assimilés au peuple élu et voyaient en Moïse une figure tutélaire. Devenant plus sage avec le temps, Sébastien Bourdon reçoit de nombreuses commandes, participe au fondement de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648 puis devient le premier peintre de Christine de Suède qu’il suit à Stockholm.
Le peintre nous livre ici une composition très resserrée autour du sujet biblique. Au premier plan à gauche, un homme agenouillé, pieds nus, se cache le visage devant un arbuste enflammé, ayant la particularité de ne pas se consumer. Un bâton posé à ses côtés laisse penser qu’il pourrait s’agir d’un berger, pourtant aucun animal n’est visible autour. Des flammes, jaillissent trois figures : un vieillard les bras ouverts est entouré de deux anges le supportant.
"Je suis celui qui suis"
Le récit de l’Exode (III, 1-8) raconte que le jeune Moïse après avoir fuit l’Egypte, s’occupait de faire paître le troupeau de son beau-père Jéthro, sacrificateur de Madian. Alors qu’il menait son troupeau sur la montagne de Dieu à Horeb, "L'ange de l'Éternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d'un buisson. Moïse regarda ; et voici, que le buisson était tout en feu, et le buisson ne se consumait point. Moïse dit : Je veux me détourner pour voir quelle est cette grande vision, et pourquoi le buisson ne se consume point. L'Éternel vit qu'il se détournait pour voir ; et Dieu l'appela du milieu du buisson, et dit : Moïse ! Moïse ! Et il répondit : Me voici ! Dieu dit : N'approche pas d'ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. Et il ajouta : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu. L'Éternel dit : J'ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte, et j'ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. (…) Maintenant, vas-y, je t'enverrai vers le pharaon et tu feras sortir d'Égypte mon peuple, les Israélites. (…) Moïse dit à Dieu : J'irai donc trouver les Israélites et je leur dirai : “Le Dieu de vos ancêtres m'envoie vers vous”. Mais s'ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ? Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis".
Sébastien Bourdon a pris quelques libertés par rapport au texte biblique. S’il représente fidèlement le jeune Moïse ayant "ôté ses souliers" en signe de respect et "masquant son visage" par crainte de Dieu, il s’éloigne dans la représentation divine. En effet, le récit évoque l’apparition de "l’ange de l’éternel" au milieu des flammes et la voix de Dieu qui s’élève. L’artiste opte pour un choix iconographique plus "parlant" pour le spectateur en représentant Dieu selon l’image traditionnelle du vieil homme, entouré d’anges. Ce choix n’est pas systématique, dans les œuvres de Domenico Fetti ou plus récemment de Marc Chagall, la figure divine est absente conformément aux écritures. Chez Chagall, Moïse vêtu de blanc et déjà âgé voit le buisson s’enflammer et un ange apparaître au sein d’un cercle coloré, lui annonçant sa mission. Cet arc-en-ciel dominant le buisson symbolise l’alliance entre Dieu et les hommes. Dans la partie gauche, on reconnaît Moïse et les tables de la Loi ainsi que l’épisode de la mer Rouge et des égyptiens engloutis. D’autre part, dans le triptyque de Nicolas Froment, ce sont la Vierge et l’Enfant Jésus qui jaillissent du buisson, image de Dieu incarné. Ce passage de la vie de Moïse est très important puisqu’il s’agit de la révélation du nom divin. Dieu qui était jusqu’à présent "le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob" se révèle comme étant "Celui qui est".