Les agressions sexuelles commises en groupes par des réfugiés la nuit de la Saint-Sylvestre traumatisent les Allemands et déstabilisent Angela Merkel.Une centaine d’agressions sexuelles commises par des bandes de migrants le soir du réveillon du Nouvel An, dans la gare centrale de Cologne et aux abords de la cathédrale, ainsi que des dizaines d’autres à Hambourg et Stuttgart, traumatisent les Allemands. L’affaire a mis du temps à être relayée par les medias au point que la chaîne publique d’information ZDF a présenté ses excuses pour cette « négligence ». Mais le 6 janvier, la nouvelle faisait la Une de toute la presse. “L’affaire, qui a pris de l’ampleur à mesure que se multipliaient les plaintes de victimes, suscite une forte émotion dans le pays” (BFM TV).
Une centaine de plaintes
“L’ambiance était très agressive”, raconte Julia W., interrogée par la télévision publique régionale (WDR). “Ils me sont tombés dessus par-derrière à plusieurs et m’ont tripoté les seins et le derrière”, raconte-t-elle. Julia W. n’était pas la seule victime. Autour d’elle, elle a vu plusieurs femmes en train de pleurer. Selon les témoignages recueillis par la police, un millier d’hommes “en provenance du monde arabe et d’Afrique du Nord» âgés de 15 à 35 ans, “fortement alcoolisés”, se seraient réunis le soir du réveillon sur le parvis de la gare centrale de Cologne et autour de la cathédrale qui lui fait face. Par petits groupes de 30 à 40, ils seraient intervenus dans la foule en liesse pour agresser sexuellement et dévaliser plusieurs femmes”, rapporte La Tribune de Genève.
“Au total, 90 plaintes ont été déposées et, selon le chef de la police de la ville, Wolfgang Albers, “d’autres devraient suivre””, selon Le Nouvel Obs, non seulement à Cologne mais aussi à Stuttgart et à Hambourg.
“Il va falloir qu’on réfléchisse”
“Ces “agressions sexuelles de masse”, selon les termes employés par la police de Cologne, ont suscité l’indignation dans toute l’Allemagne. La chancelière Angela Merkel a notamment exprimé sa “révolte” face à ces “agressions scandaleuses” et réclamé une “réponse forte”. “Il s’agit d’une nouvelle forme de criminalité organisée”, a commenté à Berlin le ministre de la Justice allemand, Heiko Maas. “Il va falloir qu’on réfléchisse, qu’on pense aux moyens à mettre en œuvre pour y faire face”, a-t-il ajouté, alors que d’autres faits similaires mais sans avoir la même ampleur ont été signalés à Hambourg et Stuttgart”” (Le Figaro).
Cependant, les déclarations de la chancelière n’ont pas suffi à éteindre les critiques : Angela Merkel dont la popularité est en chute libre, “affronte des critiques redoublées contre sa politique d’ouverture aux réfugiés” (Le Huffington Post). L’Allemagne a en effet accueilli 1,1 million de demandeurs d’asile venus de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan en 2015, et cet “énorme afflux de réfugiés (…) et la politique d’accueil choisie par Angela Merkel ont suscité d’importantes tensions ces dernières semaines, la chancelière étant pour la première fois vivement critiquée, y compris au sein de sa propre coalition” (Le Parisien). L’allié bavarois de la chancelière Angela Merkel, Horst Seehofer, a déclaré que l’Allemagne ne pouvait pas accueillir plus de “200 000” demandeurs d’asile par an.
Les agressions sexuelles du Nouvel An ont naturellement porté à l’ébullition ces critiques. “Est-ce que l’Allemagne est suffisamment ouverte sur le monde et multicolore pour vous, Madame Merkel ?”, a lancé Frauke Petry, la patronne du parti populiste Alternative für Deutschland (AfD).
Ralentir l’afflux tout en maintenant les frontières ouvertes ?
“Au sein même de la coalition gouvernementale, les conservateurs bavarois de la CSU (Union chrétienne-sociale), qui tempêtent depuis des mois contre la politique favorable aux réfugiés de la chancelière, ont trouvé aussi matière à alimenter leurs griefs. “Si des demandeurs d’asile ou des réfugiés se livrent à de telles agressions […] cela doit conduire à la fin immédiate de leur séjour en Allemagne”, a lancé Andreas Scheuer, secrétaire général du parti” (Nouvel Obs).
Précisément, la branche locale de la CSU en Bavière recevait le 6 janvier Angela Merkel pour qu’elle s’explique sur sa politique d’immigration : “Angela Merkel a indiqué (…) qu’elle souhaitait ralentir l’afflux de réfugiés dans l’Union européenne tout en maintenant les frontières ouvertes à l’intérieur du bloc communautaire. “Il est très important pour moi de parvenir à la fois à une réduction notable du flux de réfugiés et, dans le même temps, de préserver la liberté de mouvement des personnes au sein de l’Union européenne”” (Zone bourse) a déclaré devant la presse la chancelière allemande à l’issue de la rencontre.
Des manifestations s’organisent. “Mardi [5 janvier] en début de soirée, entre 2 et 300 personnes (selon la police) se sont symboliquement rassemblées devant la cathédrale de Cologne pour appeler à plus de respect envers les femmes. “Madame Merkel, que faites-vous ? Ça fait peur”, s’interrogeait sur une pancarte une des manifestantes. Le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière a lui critiqué dans la soirée l’inaction des forces de l’ordre à Cologne le soir des faits. “La police ne peut pas travailler comme ça”, a-t-il dénoncé” (La Croix). Quant à la recommandation de la maire de Cologne, Henriette Reker de se tenir “à distance d’un bras” des étrangers, elle a suscité l’ironie générale : “Effectivement, cette distance de sécurité n’aurait sans doute pas protégé les femmes agressées durant la nuit du 31 décembre par des groupes de 20 à 40 individus” (Le Figaro).
Résurgence d’un vieux traumatisme collectif
Les autorités cherchent à calmer les esprits. “Le ministre de la Justice, Heiko Maas, a mis en garde contre toute “instrumentalisation” de ces agressions dans un pays où l’afflux de réfugiés a parfois suscité de vives tensions ces derniers mois. Son homologue de l’Intérieur a abondé contre “la suspicion généralisée” à l’égard des immigrés mais demandé aussi qu’il n’y ait “pas de tabou”” (Nouvel Obs).
La peur et le dégoût qu’inspirent les agressions sexuelles sont d’autant plus prégnants en Allemagne que la population garde la mémoire collective des viols massifs perpétrés par les troupes soviétiques à la chute du Reich en 1945 : 2 millions d’Allemandes de tous âges en ont été victimes et des milliers n’y ont pas survécu. Chaque famille porte de près ou de loin cette tragédie enfouie sous la honte, la douleur et le ressentiment.