Dans un message de Noël adressé depuis sa prison, la catholique pakistanaise pardonne à ceux qui l’ont fait condamner à mort et attend toujours un procès équitable.“Noël est la fête de la grâce de Dieu. Je pardonne à mes persécuteurs, à ceux qui ont fait contre moi de fausses accusations, et j’attends leur pardon”: en cette Année de la miséricorde, Asia Bibi a chargé les membres de sa famille venus la visiter dans la prison pour femmes de la ville de Multan (province du Pendjab), d’adresser son message de pardon à ceux qui sont responsables de son sort tragique, rapporte La Stampa (en italien). Dans sa déclaration, la Pakistanaise a rappelé que le 24 décembre était également un jour de fête pour les musulmans et a ajouté : “La paix soit avec le prophète Mahomet !”.
Son septième Noël derrière les barreaux
C’était son septième Noël derrière les barreaux. Dans le cas d’Asia Bibi comme dans celui de quelque 1500 Pakistanais emprisonnés au nom de la loi anti-blasphème, le tragique le dispute à l’absurde ! Cette catholique, mère de cinq enfants, a été arrachée à l’affection des siens en juin 2009. Elle a été arrêtée et condamnée à la peine capitale en 2010 après avoir été accusée de “blasphème” contre le prophète Mahomet par des musulmanes de son village avec lesquelles elle s’était disputée. L’une d’elles l’avait accusée d’avoir souillé l’eau du puits où se désaltéraient les musulmanes.
Son appel a d’abord été rejeté par la Haute Cour de Lahore, mais le recours présenté par ses avocats a été accepté in extremis par la Cour suprême pakistanaise en juillet dernier, ce qui suspend sine die son exécution. Elle reste donc en attente d’un nouveau jugement dont dépend sa vie.
La loi anti-blasphème a été promulguée au Pakistan sous la dictature militaire en 1986. Elle condamne “ceux qui, par des paroles ou des écrits, des gestes ou des représentations visibles, avec des insinuations directes ou indirectes, insultent le nom sacré du Prophète”. Mais elle est notoirement utilisée pour régler des comptes personnels comme l’a reconnu en octobre dernier la Cour suprême du Pakistan dans un avis de 39 pages dans lequel elle estime qu’une fausse allégation de blasphème est tout aussi condamnable que le blasphème lui-même (Paris Match).
Enfin libérée cette année ?
Cet avis a conforté les défenseurs et les proches d’Asia Bibi. Ils estiment que la Cour suprême ne pourra que conclure à son innocence et à sa libération et espèrent cet ultime verdict pour le début de cette année 2016. Mais les précédents reports de jugement dus aux pressions et aux menaces de mort que subissent les juges dans cette République islamique en ébullition incitent à la prudence. Deux éminents défenseurs d’Asia Bibi, le catholique Shahbaz Bhatti, ministre fédéral catholique des Minorités, et le musulman Salman Taseer, gouverneur du Pendjab, ont payé sa défense de leur vie.