Martin Kopp, chargé de plaidoyer pour la justice climatique de la Fédération luthérienne, nous fait part de la feuille de route 2016 pour le climat et dresse un bilan de la COP21.Martin Kopp est chargé de plaidoyer pour la justice climatique de la Fédération luthérienne mondiale. Il a coordonné le “jeûne pour le climat” qui se déroulait tous les premiers jours de chaque mois depuis 2013 et nous fait part de son bilan de la COP21 et des perspectives pour 2016.
Aleteia : Le “jeûne pour le climat”, va-t-il se poursuivre en 2016 ?
Martin Kopp : Oui, cela va continuer, mais sous une forme différente que celle des années précédentes. Nous devions le stopper à la fin de la COP21, le 1er décembre 2015. Mais après cette “dernière fois”, de nombreux groupes de jeûnants m’ont dit qu’ils continueraient cette initiative. J’ai, par exemple, reçu le courriel d’une dame me disant : “Je ne suis pas d’accord avec la fin de cette initiative. J’ai redécouvert le jeûne grâce à vous, je veux continuer à le faire le 1er de chaque mois”. Dans le diocèse de Nantes, un groupe m’a déjà dit : “Nous, on continue”.
Quelle forme la poursuite de ce “jeûne pour le climat” pourrait prendre ?
Nous sommes en train de discuter à l’international pour voir ce que nous pourrions organiser. Cela ne sera pas pareil qu’en 2014 et en 2015 car avant, il y avait l’objectif de la COP21. Le 22 avril prochain, c’est la cérémonie de signature de l’accord à New York, au siège de l’ONU sur invitation de Ban Ki-moon. Cela pourrait être un premier objectif. Un second serait la COP22 au Maroc en novembre prochain.
Ce “Jeûne pour le climat” est aconfessionnel et réunit aussi bien des chrétiens, des musulmans, des juifs que des non croyants et militants écologistes. Du coup, quel sens donner à cet engagement ? Est-ce une sorte de grève pour la faim edulcorée ?
Cette action a pour objectif d’être solidaire des uns des autres et de pousser les chefs d’Etat à prendre leur responsabilité. Ce n’est pas le chantage d’une grève de la faim car notre jeûne a un début et une fin chaque mois. Ce qu’on demande aux chefs d’État c’est, principalement : sortir des énergies fossiles pour 100% d’énergies renouvelables d’ici le milieu du siècle ; revoir les modèles de production et de consommation et que l’action climat soit équitable c’est-à-dire que les États riches prennent le lead dans l’action et soutiennent les pays vulnérables.
Comment ce “jeûne pour le climat” a-t-il débuté ?
L’initiative est partie de Yeb Saño, un chrétien, le chef négociateur des Philippines qui, voyant que les gens n’avaient rien à manger dans son pays après le typhon de 2013, a souhaité jeûner en solidarité avec son peuple touché par cette catastrophe naturelle. Son idée, c’était de partager l’expérience de la faim et de pousser les négociations climat de l’ONU vers l’avant.
L’Église a-t-elle appelé officiellement au “jeûne pour le climat” ?
En France, elle l’a fait par l’intermédiaire de la Conférence des évêques de France, la Fédération protestante de France et l’Assemblée des évêques orthodoxes de France. D’autres religions se sont jointes au mouvement par solidarité avec les personnes vulnérables. Ce jeûne est une initiative “interconvictionnelle”.
Quel est votre bilan de la COP21 ?
En un mot, il est nuancé. Diplomatiquement, c’est un accord historique. Il a été signé par des pays aux intérêts aussi opposés que l’Arabie Saoudite et les Îles Marshall. Mais en conséquence, c’est un texte de compromis. Donc, nous sommes sur un accord politique modeste. L’espoir est sauvegardé mais maintenant, il faut appliquer le texte et agir. Cet accord sera jugé à partir de ce qu’on en fera. C’est ce que disait le ministre de l’Écologie des Îles Marshall et il avait raison.
Quel a été l’apport des chrétiens à la COP21 ?
De nombreuses initiatives de plaidoyer auprès des politiques et de sensibilisation des croyants ont joué un rôle considérable. L’encyclique du Pape, Laudato Si’, a eu un impact très fort à la fois sur les chrétiens et non-chrétiens. En Alsace, lors de la grande marche pour le climat, une personne s’est convertie au christianisme. Nous avions alors 1 500 personnes présentes et, chaque jour, entre cent et deux-cent marcheurs !
Et nous, chrétiens, comment garder l’espérance face à l’état de la planète et ne pas tomber dans le catastrophisme à outrance ?
Théologiquement, il faut reconnaître que nous sommes à un carrefour : c’est le moment opportun, le kairos. Soit nous décidons d’agir tout de suite, soit nous le faisons pas et un jour, il sera trop tard. Il faut d’abord regarder le positif et voir la possibilité que chacun puisse vivre une “conversion écologique”. Nos modèles actuels doivent passer en transition. Cela passe d’abord par un changement radical de nos modes de vie individuels. Dans l’accord de Paris, ce changement individuel est relégué au préambule. Or, je pense qu’il est primordial pour sauvegarder la planète. Imaginez, si dans les dix, quinze années qui viennent, 2 milliards de chrétiens vivent cette conversion demandée par le Pape dans Laudato Si’ et dans d’autres textes d’autres confessions, l’incidence sur la planète serait énorme. Nous chrétiens, avons à concilier espoir et responsabilité.
Oui, mais 2 milliards de personnes qui se convertissent écologiquement, c’est un pari sur l’avenir.
Vous savez, aujourd’hui, on a beaucoup de signes d’espoir. L’Église devient un moteur sur l’environnement. Par exemple, des institutions chrétiennes ont été parmi les premières à désinvestir des énergies fossiles. Soyons porteurs d’espoir en croyant à la possibilité de l’impossible. Je ne suis pas un providentialiste ; je pense que tout cela passe par nous.
Propos recueillis par Marie Lorne