Le test iconographique du jour ne recèle pas de mystère, si ce n’est un mystère… divin ! Retour sur 500 ans de représentations de la nativité en peinture.Offrez-vous un voyage dans le temps et plongez au cœur du mystère de l’incarnation : “Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter s’accomplit, et elle mit au monde son fils premier-né, l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie” (Luc 2, 6-7).
Des premiers siècles à la Renaissance
Le thème de la Nativité apparaît très tôt dans l’iconographie paléochrétienne, soit dès le IIIe siècle, puis se développe aux IVe et Ve siècles. La première nativité représentée sur une fresque dans les catacombes romaines de saint Sébastien daterait de 380. Cependant, en Europe occidentale, l’iconographie se fige et ne se répand véritablement qu’au Moyen Âge avant de s’épanouir pleinement à la Renaissance.
Dans la Nativité de Giotto peinte dans la chapelle Scrovegni à Padoue, la position de la Vierge, allongée, peut surprendre au premier abord (c’est une pratique qui sera abandonnée par les artistes ensuite). Elle se redresse afin de prendre l’Enfant Jésus dans sa mangeoire, alors que Joseph, les yeux fermés, se consacre à la méditation des événements dont il est le témoin silencieux. L’âne et le bœuf observent la scène avec attention et les anges proclament la bonne nouvelle aux bergers. Ce tableau annonce déjà la fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance. En effet, le paysage et le décor sont établis, et un effet de profondeur apparait chez ce peintre novateur qui marque une rupture avec les “fonds or” des primitifs italiens.
Deux cents ans plus tard, Botticelli compose une “Nativité mystique” en mettant en avant le message de paix qui accompagne la naissance du Christ. “Gloire à Dieu, au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté”, acclament les anges, tandis que leurs couronnes d’olivier et leurs gestes d’affection confirment cette idée de paix.
Botticelli mêle au sujet de la Nativité celui de la Parousie (le retour du Christ sur terre avant le Jugement dernier) manifesté par la réconciliation entre Dieu et les hommes. Devant tant de paix et d’amour, les petits démons cherchent même à se réfugier dans le sol !
Au centre de la composition, la Sainte Famille est placée dans une grotte. Au-dessus de leurs têtes, s’affole une ronde de douze majestueux anges. Ils évoquent à la fois les douze heures du jour et les douze mois de l’année alors que les trois anges agenouillés sur le toit symbolisent les vertus théologales (Foi = blanc, Espérance = vert, Charité = rouge).
Du XVIIe au XXe siècle
Les Temps Modernes s’ouvrent avec la Nativité du Caravage, œuvre datée du tout début du XVIIe siècle.
Le cadrage est bien plus rapproché que celui des deux tableaux précédents. L’artiste se concentre sur les figures de la Sainte Famille, des bergers, de l’ange portant un phylactère sur lequel le spectateur peut lire “Gloria in eccelsis Deo”, mais aussi deux saints : François et Laurent. Les figures sont plus que jamais “humanisées” et la présence des saints permet aux fidèles de se sentir plus proches et concernés par le message divin et la scène se déroulant sous leurs yeux.
Peintre fameux du XVIIIe siècle français, François Boucher nous livre une version très différente de la Nativité. L’intimité et la douceur de la relation entre la Vierge et son enfant sont au cœur de l’œuvre. La présence d’une jeune femme offrant au nouveau-né deux colombes et un panier d’œufs permet d’actualiser le message biblique et de l’ancrer dans le quotidien de l’époque de l’artiste, on parle alors de « sécularisation » de l’œuvre. Les anges sont devenus des putti présents dans le ciel et se penchant sur la scène. Ils entrouvrent comme une “brèche” de lumière à l’arrière plan symbolisant la présence divine.
A la fin du XIXe siècle, Gauguin compose à son tour une Nativité dans un contexte “tahitien”. La scène de la naissance du Christ est reléguée au second plan, devenant un sujet presque anecdotique au sein de cette œuvre qui pourrait passer pour une scène de genre exotique…
Ce parcours à travers les représentations de la Nativité dans la peinture, s’achève avec une œuvre onirique de Marc Chagall.
Datée de 1950, cette lithographie figure la Vierge et son enfant à droite de la composition. Leur relation maternelle est mise en exergue par la figuration du sein, tandis que saint Joseph semble flotter au-dessus d’eux. Au centre, le bœuf occupe une place primordiale, tandis que sur le côté gauche, Chagall présente le Christ en Croix. L’artiste nous emmène à sa façon sur les pas du Christ, de la nativité à sa crucifixion en passant par l’incarnation du Fils de Dieu parmi les hommes. Un tableau bien mystérieux pour illustrer le grand mystère de l’incarnation divine !