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Iran : “Les conversions semblent inquiéter le régime islamique”

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Sylvain Dorient - publié le 20/12/15
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Le père Humblot, prêtre du Prado depuis 1961, a été obligé de quitter précipitamment l’Iran après 45 ans passés dans ce pays. Il témoigne du phénomène insoupçonné des nombreuses conversions au christianisme.“Suivant les conseils impératifs de mon évêque, j’ai dû me réfugier précipitamment à Paris avec deux valises remplies de traductions en persan – dont la Bible – à achever. Après mon départ, La police islamique a débarqué dans notre centre de catéchèse, a saisi tous les livres, ordinateurs et documents qu’on avait laissés là”, se souvient le Père Pierre Humblot. “Tout fut détruit dont notre chapelle mais, Dieu merci, les collaborateurs ont pu se disperser et demeurent cachés ou exilés.”

Citoyen iranien, il continue aujourd’hui à Paris son œuvre depuis un minuscule studio, qui est à la fois son bureau, sa chambre et sa cuisine. On ne donnera pas son adresse, ni les noms de ses collaborateurs, car il fait un travail qui doit demeurer discret : il accompagne les Iraniens et Afghans musulmans qui se convertissent au christianisme en Europe comme dans leur pays d’origine.

Ils sont au moins 300 000 !

Le père Humblot estime le nombre de convertis à 300 000, selon une fourchette basse, et le Régime islamique semble bien conscient de l’importance de cette vague de conversions puisqu’il sévit de plus en plus contre ce mouvement. En Iran, ces convertis vivent dans la clandestinité : ils bravent la loi musulmane qui interdit de changer de religion, subissent souvent la violence de leurs familles et sont mal reçus dans les églises historiques, comme les communautés orientales ou latines. Les convertis représentent pour elles un danger réel : celui d’être accusées de faire du prosélytisme et de voir anéantie la précaire tolérance du régime en place. Les autorités affirment le respect des minorités et la liberté de culte. Mais ce n’est en aucune manière liberté de conscience et de religion puisqu’il est interdit aux chrétiens de naissance de témoigner de leur foi.

“Si tu ne reviens pas à l’islam je te brûle !”

Malgré cette persécution, les convertis affluent. Ils se retrouvent le plus souvent dans de nombreuses et fort discrètes “églises de maison” animées par des évangélique et recherchées par la police politico-religieuse. Beaucoup subissent la violence de leur propre famille. Ainsi cette catéchumène, que le père Humblot a suivie.”Elle s’est convertie à la suite d’un songe”, témoigne-t-il. Quand sa famille a découvert son changement de religion, elle l’a crue possédée par le démon. Son père l’a battue férocement, puis en désespoir de cause l’a arrosée d’essence et l’a menacée avec une allumette : “Si tu ne reviens pas à l’islam je te brûle !”. Devant le refus obstiné de sa fille, il a bien tenté de gratter l’allumette, mais elle était mouillée par l’essence, et le feu n’a pas pris. La jeune fille a été enfermée dans une cave avec cette menace : “Dans trois jours, si tu n’as pas changé d’avis, nous te tuerons !”. L’une de ses sœurs l’a sauvée, mais à présent la jeune convertie s’est enfuie à l’étranger, ayant perdu sa santé, sa famille, son pays et tout ce qu’elle possédait. Pourtant, elle prie chaque jour pour apprendre comment pardonner à son père.

Une Église de saints en cheminement

En Iran, le père Humblot n’a jamais cessé d’être sollicité. “On m’accusait de faire du prosélytisme, s’amuse-t-il. Mais je n’en ai jamais fait, tout simplement parce que ce n’est pas mon travail et je n’en aurais pas eu le temps !” Il accueillait ceux qui venaient le trouver et suivait les catéchumènes pendant trois ans avant le baptême, se méfiant des conversions trop rapides. Au bout d’un certain temps, se sachant sous surveillance, il a dû multiplier les lieux de rendez-vous, recevant ses catéchumènes dans sa voiture ou dans des parcs publics. Son objectif, que les nouveaux chrétiens “tiennent”, et qu’ils aient la formation nécessaire pour essaimer à leur tour et assurer la formation de nouveaux convertis.

En Iran comme aujourd’hui en Europe, il côtoie des personnes, des parcours de vie qui dépassent la compréhension humaine. Pendant la révolution iranienne, l’un de ses amis, un ancien musulman converti, et devenu pasteur, a passé trois ans en prison. Dont deux en cellules d’isolement. A son retour, le père Humblot le plaint pour cette épreuve mais le pasteur affirme : “C’était merveilleux ! Pendant deux ans, j’ai pu louer sans cesse mon Seigneur sans être gêné”. Deux semaines après cette encontre, cet ami fut massacré au coin d’un bois par des inconnus…

Dans le tumulte de la révolution (1979)

À la suite de la Révolution iranienne, la très grande majorité des prêtres occidentaux a dû quitter le pays. Les églises qui célébraient et prêchaient en persan ont été fermées et sept pasteurs tués. Le père Humblot a pu rester en obtenant la nationalité iranienne, avec un peu de ruse et un sacré coup de pouce de la Providence. Parce qu’il avait été ambulancier durant son service militaire, il est désigné responsable des ambulances d’un hôpital de Téhéran. Lors d’une intervention, il est reconnu par son voisin de palier, un “barbu” qui se méfiait de lui jusqu’alors, et qui est impressionné par ce chrétien qui rend service gratuitement à des musulmans. Ce barbu participe activement à la révolution, et devient député. Avec son aide, le père Humblot a pu présenter à la police politique qui venait l’expulser une carte d’identité iranienne toute neuve : “Ils étaient fâchés”, se souvient le prêtre avec une pointe d’espièglerie.

8 ans de guerre et une déferlante de conversions

Le conflit entre l’Irak et l’Iran (1980-88) l’emplit d’amertume à l’encontre des gouvernements occidentaux. “Des ingénieurs français travaillaient activement à ce que les SCUDS irakiens arrivent jusqu’à Téhéran.” Mais cette guerre, qui s’accompagne de contraintes islamiques très puissantes amène beaucoup d’Iraniens jusqu’au père Humblot. La jeunesse du pays ne supporte pas les contraintes religieuse ni la surveillance de la police. Certains plongent dans la drogue, d’autres cherchent à changer de religion, choisissant le zoroastrisme, l’hindouisme ou le christianisme.

“Est-ce que je peux me donner le baptême à moi-même ?”

Le père Humblot n’a pas chômé, et bien qu’aujourd’hui il ne croie plus pouvoir retourner en Iran, il travaille encore en persan pendant l’essentiel de ses journées. Pour traduire des textes saints, faire des vidéos YouTube ou pour répondre par Internet aux nombreuses questions des Iraniens, il a une vraie “petite entreprise” de 14 Iraniens. Parmi ces questions qu’il reçoit par courriel, l’une provient d’une Iranienne musulmane qui, seule dans une ville cernée par le désert, a décidé de se convertir. Elle écrit au père : “Je ne veux que Jésus Christ, mais il n’y a pas de chrétien dans ma ville. Est-ce que je peux me donner le baptême à moi-même ?”.

Il croise aussi des vies profondément éprouvées comme celle de cet Afghan chrétien réfugié à Paris qui lui montre la photo de sa femme et de sa petite fille, restées au pays : “Pour les revoir, il faudrait que je renonce à Jésus et retourne au pays, je ne veux pas le faire.”

Le père Humblot est heureux dans l’épreuve : “Mon travail est fort simple : tout est préparé dans les cœurs par l’Esprit Saint Paraclet donc plus Défenseur que Consolateur. Je n’ai qu’à accueillir, m’émerveiller et accompagner en rendant grâce. Et le fait de travailler avec plusieurs convertis qui ont connu la persécution et ont tout quitté pour le Christ m’est d’un soutien quotidien”.

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