Aleteia continue de tester vos connaissances iconographiques. Pouvez-vous identifier la scène représentée ? Qui a peint ce tableau ? À quelle époque ?Après la découverte d’œuvres d’artistes du XVIIe siècle français et hollandais, effectuons un saut dans le temps pour observer le tableau de ce peintre du Sud de la France qui vécut principalement au XIXe siècle. Avez-vous deviné qui se cache derrière ce grand voile blanc ?
Une seconde place au prix de Rome
Ce tableau a été exécuté par le peintre dans le cadre du prix de Rome, un concours institué dès le XVIIe siècle pour sélectionner les artistes qui iraient étudier à l’Académie de France à Rome. Au XIXe siècle, ce concours annuel est organisé par l’École des Beaux-Arts. Les sujets sont souvent empruntés à la mythologie, mais en 1857 et en 1858, ils sont religieux. À vous de deviner celui de 1857, quant à l’année suivante, il s’agit d’Adam et Ève trouvant le corps d’Abel.
En présentant cette œuvre au concours de 1857, Léon Bonnat (1833-1922) obtient le second prix. On remarque dans son tableau le temps passé à observer les maîtres italiens et son goût pour un traitement réaliste des figures qui annonce déjà son intérêt pour le genre du portrait privilégié par la suite. C’est une œuvre de jeunesse pour cet artiste originaire de Bayonne, élève de Léon Cogniet. Au retour de ses voyages en Italie, puis en Grèce et au Moyen-Orient dans les années 1860-1870, il abandonne la peinture historique et religieuse et exécute environ 200 portraits de personnalités de l’époque.
L’ami qui renaît à la vie
Léon Bonnat sépare sa composition par une ligne verticale, d’un côté une figure blanche et voilée sort de l’obscurité, et de l’autre, un groupe de figures “éclairées” le regarde. Les femmes sont agenouillées, l’une les mains jointes et les yeux levés au ciel en position de prière, la seconde, les mains levées fixant la scène d’un air abasourdi. Les hommes debout affichent un sentiment de gravité, se réfugiant derrière celui que l’on identifie facilement comme le Christ, vêtu d’une tunique rouge et auréolé.
Cette scène prend tout son sens à la lecture du chapitre onze (versets 38-44) de l’Évangile selon saint Jean. En effet, Jésus apprend que son ami Lazare vivant en Béthanie est atteint d’une maladie. Il cherche à le rejoindre mais arrive trop tard aux côtés de ses sœurs, Marthe et Marie. Suite aux supplications de Marthe et à sa profession de foi : “Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde”, le Christ se rend au sépulcre. “C’était une grotte, et une pierre était placée devant“. Marthe prévient que Lazare s’y trouvant depuis quatre jours, “il sent déjà”, mais le Christ “cria d’une voix forte : Lazare, sors ! Et le mort sortit, les pieds et les mains liées de bandes, et le visage enveloppé d’un linge“.
Fidèle au texte, Léon Bonnat représente la grotte dans laquelle était inhumé Lazare. L’homme qui ouvre la plaque fermant le tombeau a un mouvement de recul, manifesté par un geste de son bras qui cherche à cacher son visage. Est-ce l’expression de la surprise ou de la crainte, est-il ébloui par la lumière ou gêné par l’odeur mentionnée dans le texte ? L’ordre “Lazare, sors !” est retranscrit par le regard déterminé du Christ et par le geste de ses deux bras, tendus en direction de son ami. Les sœurs de Lazare sont éplorées et, selon la tradition, Marthe est celle qui est la plus présente aux côtés du Jésus. Elle adopte ici une attitude de prière au premier plan. Marie, quant à elle, est assimilée à Marie-Madeleine et à la pécheresse du banquet chez Simon.
Le thème de la résurrection de Lazare donne souvent lieu à deux types de représentations iconographiques : une vision orientale comme celle-ci avec un tombeau creusé dans le roc et une figure de Lazare, debout et couvert d’un linceul ou de bandelettes ; et une seconde, plus occidentale avec un sarcophage horizontal au sol et un couvercle duquel Lazare sort. C’est un parti pris iconographique qui évolue au fil du temps comme vous pouvez l’observer au sein de ces autres tableaux (voir ci-dessous) représentant la résurrection de Lazare.
Quand il est question de Foi
En ressuscitant Lazare, le Christ annonce qu’Il est la Vie nouvelle. Peu avant cette scène, Il explique à Marthe : “Je suis la résurrection et la vie, qui croit en moi, fut-il mort, vivra” (v. 25). La foi en Jésus est le garant de la résurrection et de la vie éternelle. À travers cette victoire temporaire sur la mort, les Pères de l’Église ont vu préfiguration de la résurrection des morts à la fin des temps. Le Christ est au centre de toutes ces compositions figurant la résurrection de Lazare.
Une exception tardive vient cependant nuancer ce propos. En effet, en 1890, Vincent Van Gogh s’inspire du tableau de Rembrandt pour nous livrer sa propre interprétation. Il reprend les figures des deux sœurs éplorées face à leur frère tout juste éveillé (peut-être un dernier autoportrait de l’artiste), sans représenter le Christ. Est-Il ce soleil placé haut dans le ciel ?