L’Assemblée vient d’approuver la prolongation de l’état d’urgence, afin d’accroître les pouvoirs des autorités policières et administratives. Les analystes s’inquiètent des répercussions sur nos libertés. Six mois à peine après la loi sur le renseignement qui avait déjà créé la polémique, le gouvernement propose à nouveau d’étoffer la législation pour mieux garantir la sécurité des Français. Cette fois-ci, l’opinion dans son ensemble soutient la démarche de l’exécutif. Un sondage réalisé trois jours avant les attentats de vendredi dernier indiquait déjà que plus de 8 Français sur 10 assuraient être “prêts à accepter davantage de contrôles et une certaine limitation de [leurs] libertés” pour mieux garantir leur sécurité. Certains observateurs redoutent un sacrifice inutile de libertés élémentaires depuis que l’Assemblée nationale a donné son feu vert, jeudi 19 novembre, pour prolonger l’état d’urgence de trois mois.
“L’état d’urgence doit être prolongé sur tout le territoire, en métropole comme en outre-mer, a déclaré Manuel Valls, d’autres libertés ont été ou peuvent être temporairement limitées. (…) Nous sommes en guerre !” a-t-il martelé. Ce à quoi Benjamin Franklin aurait pu répondre : “Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux.” Mais le Premier ministre veut rassurer : “Pas d’alternative entre sécurité et liberté, l’une ne peut pas aller sans les autres. Cela impose une vigilance toute particulière, à un moment où l’émotion pourrait nous tendre vers le choix du tout sécuritaire.”
“Miser sur la prévention peut engendrer des débordements”
La déclaration du Premier ministre n’inquiète pas outre mesure l’avocat pénaliste Henri de Beauregard. Pour lui la Constitution empêche de restreindre abusivement les libertés, mais le juriste s’interroge : “C’est peut-être la raison pour laquelle ils veulent constitutionnaliser l’état d’urgence”. Alors que certains dénoncent déjà un “Patriot Act” à la française, Me Beauregard, lui, n’ira pas aussi loin : “Je ne suis pas certain qu’il y ait de nouvelles mesures judiciaires qui restreignent de façon spectaculaire les libertés”.
Toutefois, l’avocat met en garde contre le tout administratif susceptible d’accélérer et d’assouplir la procédure. “Déjudiciariser la procédure pour la faire entrer dans le champs administratif augmente le risque de porter des atteintes ‘préventives’ aux justiciables et de faire des victimes collatérales. Miser sur la prévention, sans le contrôle restrictif d’un juge, peut engendrer des débordements sur une simple dénonciation par exemple.”