Devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles, François Hollande a amorcé un tournant sécuritaire et laissé entendre un changement de cap diplomatique dans la guerre contre Daesh.Devant le Congrès – membres du gouvernement, députés et sénateurs – réuni ce lundi 16 novembre à Versailles, François Hollande a exprimé son désir de “faire évoluer [la] Constitution pour permettre aux pouvoirs publics d’agir, conformément à l’état de droit, contre le terrorisme de guerre”. Le chef de l’État s’est dit favorable à une modification de l’article 36 de la Constitution “pour y faire figurer état de siège et état d’urgence”, précisant qu’il s’agit de permettre la “déchéance de nationalité pour les terroristes condamnés, même s’ils sont nés Français”.
Mais Les Républicains ont fait savoir aussitôt que “rien ne semble justifier” cette révision. Le Président a plus de chance d’être entendu par l’ensemble des députés qui voteront mercredi pour prolonger de trois mois l’état d’urgence.
Le discours du président marque un net tournant sécuritaire. “Le pacte de sécurité passe avant le pacte de stabilité”, a-t-il déclaré pour annoncer des moyens supplémentaires de lutte contre le terrorisme : création de 5 000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires en deux ans, de 2 500 postes pour le ministère de la Justice et de 1 000 postes pour l’administration des douanes. Il n’y aura pas de suppressions d’effectifs dans la Défense d’ici 2019.
À l’Union européenne, François Hollande a demandé la “mise en place de contrôles coordonnés et systématiques aux frontières”, ainsi que “l’approbation avant la fin de l’année” du fichier européen des passagers aériens (PNR) pour “assurer la traçabilité du retour des djihadistes et les interpeller” avant qu’ils passent à l’acte. “Il est vital que l’Europe accueille dans la dignité ceux qui relèvent du droit d’asile mais renvoie dans leurs pays ceux qui n’en relèvent pas”, a déclaré le chef de l’État (LCP).
La guerre contre l’État islamique
Alors que la veille au soir, l’aviation française avait opéré un bombardement massif sur le fief syrien de Daesh, à Raqqa, François Hollande a annoncé devant le Congrès une réunion à trois, sorte de Yalta de la lutte contre Daesh. “Je rencontrerai dans les prochains jours le président Obama et le président Poutine pour unir nos forces et atteindre un résultat qui pour l’instant est encore renvoyé à trop longtemps”, a déclaré le chef de l’État insistant sur la nécessité de parler “à tous, à l’Iran, à la Turquie, aux pays du Golfe”. “Une position nouvelle”, souligne le Huffington Post : “Pour ce faire, François Hollande a dit avoir ‘demandé au Conseil de sécurité de l’ONU de se réunir dans les meilleurs délais pour adopter une résolution marquant la volonté commune de lutter contre le terrorisme’. L’objectif est double. Le premier – officiel – est donc de rappeler que la priorité est bien Daesh. Le second, plus officieux, est ‘d’éviter d’être pris de court par un éventuel accord bilatéral entre Poutine et Obama qui semble se dessiner’, explique au HuffPost Xavier Panon, auteur de l’ouvrage Dans les coulisses de la diplomatie française, de Sarkozy à Hollande (ed. de l’Archipel)”.
Cette remarque fait allusion au conciliabule surprise d’Obama et Poutine, dimanche, en marge d’une réunion du G20 à Antalya en Turquie qui pourrait bien annoncer un accord sur la Syrie : “Selon certaines sources, les deux hommes ont eu une discussion ‘constructive’ sur les efforts en cours visant à trouver une solution au conflit qui ravage la Syrie. Jugeant que les ‘terrifiantes attaques terroristes de Paris’ rendaient encore plus urgente la recherche d’une solution, les deux dirigeants ont souligné la nécessité de négociations menées sous l’égide de l’ONU entre le régime et l’opposition ainsi que l’instauration d’un cessez-le-feu” (RTL).
Quatre Français parmi les terroristes identifiés
L’enquête progresse rapidement. Cinq kamikazes sur sept ont été identifiés ; quatre sont de nationalité française. La police recherche activement “le huitième homme”, seul rescapé, le Français Salah Abdeslam, dont le frère Brahim a fait exploser sa ceinture d’explosifs au Comptoir Voltaire. C’est Salah Abdeslam qui a loué et piloté l’un des véhicules utilisés pendant l’attaque, la Polo noire utilisée par les assaillants du Bataclan. Le véhicule a été retrouvé à Montreuil (au nord de Paris). Une autre équipe venue de Belgique l’a exfiltré dans la nuit de vendredi à samedi. Alors qu’ils regagnaient la Belgique, lui et ses complices ont été contrôlés par hasard, samedi matin, près de la frontière franco-belge par la gendarmerie française, quelques heures avant que la police ne retrouve la Polo abandonnée et ne mette un nom sur le fuyard qui l’avait loué en Belgique pour les besoins de son raid meurtrier…
Le commanditaire des attentats aurait lui aussi été identifié. Connu de longue date non seulement de la police, mais aussi des médias, Abdelhamid Abaaoud, un Belge d’origine marocaine, âgé de 27 ans, figurait sur une vidéo de l’État islamique au volant d’un pick-up traînant des cadavres de victimes de l’EI. Il y affichait un sourire provocateur. C’est un ami de Brahim Abdeslam, le kamikaze du boulevard Voltaire. Tous deux sont originaires de la commune bruxelloise de Molenbeek, véritable nid de terroristes. Leurs noms apparaissent dans plusieurs dossiers criminels de droit commun, pour des faits commis à Bruxelles en 2010 et 2011.
Enfin, il se confirme que l’un des kamikazes du Stade de France, près duquel un passeport syrien au nom de Ahmad Al Mohammad avait été retrouvé, était bien le propriétaire du passeport. Il aurait donc emprunté la route des réfugiés pour arriver en France (France Info).
Des perquisitions fructueuses…mais tardives
168 perquisitions ont eu lieu dans 19 départements au cours de la nuit de dimanche à lundi, dans le cadre de l’état d’urgence décrété après les attentats, a annoncé le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve (Nouvel Obs). Au moins “23 individus ont été interpellés et placés en garde à vue”, a affirmé le ministre, annonçant également la saisie de 31 armes, dont quatre armes de guerre. Au cours des dernières quarante-huit heures, 104 personnes ont été assignées à résidence” (Le Monde).
Au vu de ces premiers résultats, on se dit qu’il est vraiment regrettable que l’état d’urgence n’ait pas été proclamé au-lendemain des attentats de janvier…