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La culture ambiante est-elle étourdie par le chant des sirènes des titres et autres diplômes ?

Thomas Edison et son phonographe © Public domain

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Elizabeth Scalia - publié le 09/11/15
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Et si l’on s’attaquait au système en clamant haut et fort qu’il est encore possible de s’émerveiller et d’entreprendre sans formalité administrative ?Auteur à succès, essayiste, journaliste et chroniqueur hétéroclite traitant très sérieusement de sujets aussi divers que le sport et la politique, Pete Hamill, plume élégante et lettrée, sait aussi ne pas se prendre au sérieux. En 2010, l’établissement scolaire dont il claqua la porte 59 ans plus tôt, lui décernera pourtant un doctorat honorifique ès lettres, “c’était la toute fin d’une époque où l’on pouvait encore se permettre d’abandonner l’école et d’avoir malgré tout une vie”, avouera Hamill au New York Times.

Vrai. Nous vivons une époque où un journaliste éduqué peut déclarer la Constitution “vieille de plus d’un siècle” et donc rude à appréhender, et garder son emploi en toute crédibilité. Un peu comme si les titres comptaient davantage que le talent, prouvant ainsi que l’abnégation à coller aux programmes scolaire prévaut sur l’audace, ou les heures d’amphi sur le cœur à l’ouvrage.

L’autodidacte est-il déprécié ?

Je m’interroge sur le bienfondé réel d’une telle orientation. L’apprentissage est une chose extraordinaire, l’étude demeure un privilège, que beaucoup d’ailleurs tiennent trop souvent pour acquis. Néanmoins, notre société actuelle n’accorde-t-elle pas un poids trop lourd aux diplômes décrochés, ne sanctionnant parfois, ni plus ni moins, qu’une aptitude à maintenir les calendriers, à respecter les délais ou se conformer à un programme d’enseignement, dépréciant du même coup cette faculté à s’émerveiller, à entreprendre un parcours individuel, à être autodidacte ?

Passer des heures en classes, engranger des connaissances, quel bonheur en effet, lorsque l’on est pleinement impliqué. Souvent toutefois le diplôme s’assimile à une simple formalité, sans un éveil véritable de la pensée.

Prenons l’exemple de Jeff “Skunk” Baxter qui abandonnera l’université pour aller gratter sa guitare avec une poignée musicos du coin, avant d’être à l’origine de la création des Steely Dan. Et tandis qu’il accepte encore de se produire en concert, Baxter siège aussi au Comité consultatif civil de défense antimissile balistique et propose ses consultations entre autres au Pentagone. Son expertise dans le domaine des systèmes de défense antimissile et tactiques est colossale et pourtant Baxter est un autodidacte.

Les saints débordaient d’émerveillement et pas toujours d’instruction

Cet assujettissement aux titres et autres diplômes n’est-il pas à mettre en lien avec l’effritement de la foi dans notre société. Jadis, les croyants eurent légion d’exemples de saints hommes et de saintes femmes sachant si bien manifester, au travers de la grâce, leur énorme sagesse, qu’ils soient extrêmement instruits, comme saint Augustin, ou ne le soient aucunement, à l’image de Catherine de Sienne. Les saints débordent d’émerveillement, c’est la force de ce pouvoir qui les ouvre à la grâce, la porte de leur génie théologique et philosophique.

Et lorsque la foi unit monarques et indigents, le génie et la sagacité sont appréciés et reconnus. L’homme comprend que les voies de l’apprentissage sont multiples et que la simple curiosité, tenue en éveil par la flamme de la passion, peut patiner les idées, nourrir le don, sans la validation formelle d’une instance établie.

Aussi récemment que voici 60 ans, la société aimait à accepter les choses les yeux fermés, laissant une place à l’instinct, une chance à l’expérimentation. Lorsque la foi disparaît, il ne reste plus à l’homme démuni que le seul recours des titres.

Si c’est là notre seul guide, alors nous nous privons de personnalités de la trempe de Baxter, Hamill ou Churchill, un autre éminent autodidacte. L’éducation et les diplômes sont essentiels, certes, mais la société a également besoin d’une cohorte d’audacieux, suffisamment déterminés pour s’attaquer au système, ou à tout le moins nous démontrer qu’il est toujours permis de s’émerveiller.

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