Saint Jean Paul II fut un prêtre, un évêque et un pape infatigable. Un artiste aussi. Ses œuvres théâtrales, poétiques et ses essais philosophiques sont des trésors, souvent cachés.
Znak est un nom qui sonne comme l’éclair. En français, cela veut dire “signe” ou “caractère”. Cette grande maison d’édition polonaise réputée dans tout le pays, était, en 1959, un magazine clandestin catholique. Du caractère, ses collaborateurs en avaient pour éditer, au nez du régime, ce magazine d’écrits, de poèmes philosophiques et religieux.
Dans les colonnes du journal, parmi les collaborateurs, nombreux, trois noms se distinguaient pour publier poèmes et essais. Andrzej Jawien, Stanislaw Andrzej Gruda et Piotr Jasien n’étaient autre que saint Jean Paul II. Ses œuvres écrites sous ces pseudonymes sont très peu connues aujourd’hui et pourtant elles constituent un véritable trésor et nous parlent de l’homme, Karol Wojtyła, de façon très personnelle.
“Sur la pierre blanche de ta tombe, fleurissent les fleurs blanches de la vie”
Le 15 octobre 1938, Karol Wojtyła a 18 ans. Alors passionné de poésie, il organise un récital avec ses amis du cours de philologie polonaise de l’université Jagellon de Cracovie. Il déclame ses vers. Un an après, il écrit un poème en préface de sa pièce de théâtre David, en hommage à sa mère, décédée en 1929 alors qu’il n’avait que 9 ans :
“Sur la pierre blanche de ta tombe
Fleurissent les fleurs blanches de la vie.
Tant d’années déjà sans toi,
Et quelles années ?
Sur la pierre blanche de ta tombe
Refermée depuis tant d’années,
A surgi comme une ombre,
Celle de la mort incompréhensible.
Sur la pierre blanche de ta tombe,
Ma mère, Amour disparu,
En signe de tendresse filiale
Cette simple prière : Repose éternellement en paix !”
Un article sur les prêtres-ouvriers écrit à la suite d’un séjour en France
L’émergence de la figure d’artiste de Karol Wojtyła est encouragée par son professeur de langue polonaise du lycée, M. Kotlarczyk, qui l’encourage à développer ses talents littéraires. Karol a 35 ans quand il rejoint le mensuel clandestin Znak. Fondée en 1946, cette revue mensuelle, interdite durant la période stalinienne, est publiée dans la clandestinité. Née du mouvement intellectuel Odrodzenie (Renaissance), elle opte pour un catholicisme social en opposition au régime*.
Deux ans plus tard, Karol contacte Turowick, le rédacteur en chef de l’époque de la revue Tygodnik Powszechny (“La semaine universitaire”). Plus tard, devenu très bon ami de saint Jean Paul II, il racontera leur rencontre : “C’est à son retour de Rome où il était parti étudier, que j’ai commencé à bien le connaître. Karol Wojtyla est venu me proposer un article sur les prêtres-ouvriers, écrit à la suite d’un séjour en France. Je m’en souviens très bien ; j’avais dû le réécrire un peu, avoue-t-il avec malice, mais, sans doute poussé par le Saint Esprit, j’ai accepté de le publier. Karol a toujours été quelqu’un de très simple. (…) Il appréciait beaucoup qu’on le critique ou qu’on le complimente sur ses articles, principalement des poésies ou des articles sur la religion, la morale et l’Église”.*
La vocation du futur Pape aurait-elle trouvé racine, quelque part, dans ses poèmes et pièces de théâtre ? Possible, quand on lit ces propos rédigés en 1971 : “Le sacerdoce est un sacrement et une vocation alors que la poésie est une fonction du talent mais c’est aussi le talent à déterminer la vocation”.
Triptyque romain, premier recueil de poésies d’un Pape
De nombreuses pièces de théâtre et essais philosophiques plus tard, saint Jean Paul II, devenu Pape, trouve le temps de rédiger un recueil de poèmes, Triptyque romain, preuve que la poésie est pour lui un chemin vers Dieu. C’est d’ailleurs ainsi que Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger, commentera son œuvre, dans la préface : “[Le Dieu qui se révèle] nous montre ce que signifie être des hommes : se donner dans l’amour, ce qui nous rend semblables à Dieu”.
Méditant sur la création du monde, sa beauté mais aussi sur le prochain conclave après sa mort, Jean Paul II prenait déjà la direction du Ciel qu’il rejoindra deux ans plus tard.
*Propos recueillis dans l’ouvrage de Nicolas Jallot, Ces hommes qui ont fait tomber le Mur : de Varsovie à Moscou
Retrouvez dès demain la deuxième partie de notre série sur Saint Jean Paul II, un auteur inattendu : l’homme de théâtre.