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Cinéma. “L’homme irrationnel” : le crime peut-il se justifier ?

Joaquin Phoenix dans "L’homme irrationnel" de Woody Allen © 2015 Gravier Productions, Inc.

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Jean Muller - publié le 24/10/15
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Avec cette nouvelle réalisation, Woody Allen livre son film annuel : philosophique, intelligent et, comme toujours, drôle. Professeur de philosophie renommé, auteur d’ouvrages remarqués, Abe Lucas (Joaquin Phoenix) est muté dans une nouvelle université. Depuis que son meilleur ami a sauté sur une mise en Irak, il se noie dans l’alcool, le pessimisme et la dépression. Une collègue, Rita, s’emploie, d’abord sans succès, à lui redonner goût à la vie. Il préfère se lier d’amitié avec la ravissante Jill (Emma Stone), une élève – la seule ?– qui parvient à se hisser hors de la médiocrité ambiante. Mais l’amour charnel, est insuffisant. Abe veut se sentir utile.

Ce sont les plaintes d’une mère à qui un juge véreux veut retirer la garde de ses enfants qui vont agir comme un détonateur pour lui. Cette injustice lui est insupportable, et il se prend à rêver du crime parfait. Le meurtrier lui-même n’aurait pas de mobile, et la suppression de ce juge serait uniquement un bien pour l’humanité. C’est à l’aune de ce raisonnement qu’il se lance dans son entreprise folle. Il espionne le juge, relève ses habitudes et passe à l’acte, sans que personne ne puisse se douter de sa culpabilité.

Agir pour exister

Du crime peut-il sortir un bien ? La question mérite d’être posée. Elle intéresse en tout cas Woody Allen, qui l’avait déjà traité dans différents films, Match Point pour le dernier en date. Les références philosophiques et littéraires ne manquent pas. Allen cite Kant et Dostoïevski. Abe Lucas se rêve en Raskolnikov, le héros de Crime et Châtiment. Noyé dans sa pensée philosophique, il pense sincèrement que de l’élimination du juge nuisible naitra une société plus juste.

Dans ce drame qui ne manque pas d’humour, Woody Allen prolonge une réflexion qu’il avait initiée dans ses précédents films. Ce professeur de philosophie est un personnage type, témoignant de plusieurs réflexions. La vanité de la pensée spéculative d’abord. Abe Lucas l’illustre parfaitement, prenant conscience du fait qu’exister c’est agir. C’est à l’être pensant qu’il revient de donner un sens et une consistance à sa vie en agissant. La fascination pour le mal est également omniprésente, tout comme l’amour constitutif du sens de la vie. Dialogues décapants et bien ficelés, acteurs charmants et scénario intelligent : du grand Woody Allen !

L’homme irrationnel, Woody Allen. Depuis le 14 octobre au cinéma, adultes et adolescents.

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