De nombreux cardinaux nient l’avoir signée. Pour d’autres, le texte diffusé n’est pas exact. Le synode, lui, se poursuit.La lettre de plusieurs évêques participant au synode sur la famille était encore – plusieurs jours après les faits – au cœur du briefing du Bureau de Presse du Vatican. Le père Federico Lombardi est revenu sur “une étrange lettre dont on a parlé hier” : “Comme chacun sait, a-t-il expliqué, au moins quatre des participants au synode figurant sur la liste des signataires ont démenti : [les cardinaux] Scola, Piacenza, Vingt-Trois et Erdö. Mgr Pell a déclaré que toute lettre au Pape était confidentielle et devait le rester, et que la lettre rendue publique n’était conforme ni au textes ni aux signatures effectifs. Les difficultés évoquées dans la lettre avaient été abordées lundi soir, quoique de manière moins détaillée, comme je l’avais indiqué en parlant d’objections et de doutes quant aux procédures.
Or, le secrétaire général et le Pape avaient répondu avec clarté. Avoir publié cette lettre quelques jours plus tard a créé une perturbation non voulue par les signataires, du moins par les plus autorisés d’entre eux. La consigne est de ne pas se laisser influencer par cette lettre. Que la nouvelle méthodologie du synode suscite des commentaires n’a rien de surprenant, mais puisqu’elle s’applique, tous doivent l’appliquer au mieux. Certains des ‘signataires’, précise le père Lombardi en soulignant les guillemets, sont aussi les modérateurs élus des cercles et y travaillent intensément, et le climat général est positif”.
Entretemps, le cardinal mexicain Norberto Rivera Carrera a démenti être au nombre des signataires.
La lettre attribuée initialement à treize signataires en aurait “seulement” huit, sous réserve de nouveaux démentis. Surtout, selon le cardinal Pell, elle avait un caractère éminemment “privé” et nulle vocation à servir de moyen de pression sur le Pape. Il a qualifié le texte diffusé par le vaticaniste de l’Espresso Sandro Magister de partiellement “inexact”.
Aujourd’hui, le père Lombardi est revenu sur certaines affirmations attribuées au cardinal sud-africain Napier : “Sur la composition de la Commission de dix membrés désignée par le Pape pour élaborer le Rapport final du synode, il a été écrit de manière erronée : ‘Napier met en question le droit du pape François à effectuer ce choix’. Le cardinal Napier m’a prié de rectifier comme suit : ‘Napier ne met pas en question le droit du pape François à nommer cette Commission’.”
La lettre mettrait (le conditionnel est de rigueur) en question les modalités de composition et de discussion des textes. Or, comme le rappelle le théologien italien Massimo Faggioli, le synode est, par définition, depuis sa fondation en 1965, un instrument de la primauté pontificale où s’exprime la collégialité des évêques sans jamais dépasser un rôle consultatif (à ce jour, en tous cas, les choses pouvant évoluer). Il suffit de lire le motu proprio Apostolica sollicitudo de Paul VI (15 septembre 1965) pour s’en convaincre : “Il revient au synode des évêques, de par sa nature, de donner des informations et des conseils. (…) Le Synode des évêques est soumis directement et immédiatement à l’autorité du Souverain Pontife”.
La lettre a donc semblé “étrange” et l’on voit mal ce qu’elle pourrait ambitionner sinon signaler une perplexité légitime au Pape. Le rectificatif de Napier sur le droit du Pape le dit clairement : nul ne peut affirmer que le Pape n’est pas apte à décider sans, de facto, mettre en question la primauté pontificale. Est-ce un nouveau Vatileaks ? La tentative d’une poignée d’hommes d’Église de semer la zizanie ? Trop tôt pour le dire. La question semblait réglée, notamment grâce à la générosité et au sens de la responsabilité démontrés par Benoît XVI dans sa renonciation au trône de Pierre. Expectare et videre, wait and see…