La notion de sensus fidei est au cœur de la réflexion du synode romain sur la famille. La Conférence Catholique des Baptisés Francophones (CCBF) lui consacrera un débat le 26 septembre prochain.Même dans l’Église catholique on respecte les trêves estivales. La question est alors de savoir qui la rompra, quand et pourquoi ! Nous avons la réponse. À quelques semaines de l’ouverture de la seconde phase du synode romain sur la famille, on nous fait savoir que 500 000 signatures auraient été recueillis par la "filiale supplique" au pape François, lui enjoignant de ne "jamais dissocier la pratique pastorale de l’enseignement légué par Jésus-Christ et (ses) prédécesseurs…" Ailleurs nous est annoncée la parution prochaine d’un ouvrage collectif, signé de 11 éminences, sur "Le mariage et la famille dans l’Église catholique". La littérature sur le sujet étant on ne peut plus abondante, on s’autorise à y voir une nouvelle tentative de pression exercée sur le pape François et les Pères du synode pour ne rien toucher à la pastorale de l’Église catholiques sur les sujets aussi brûlants que l’accueil aux sacrements des divorcés remariés ou la prise en compte de la conjugalité homosexuelle.
Spéculations sur le "rapport de forces" au sein du synode
Et il y a fort à parier que cette pieuse mobilisation ira en s’amplifiant au cours des prochaines semaines, même si certains contre-feux sont attendus, ici ou là. Depuis des mois, quelques vaticanistes s’efforcent de lire dans le marc de café que constituent les listes des délégués au synode, ce que pourrait être le rapport de force entre partisans et adversaires de "l’ouverture" pastorale souhaitée par le pape François. Et l’on ne sait trop s’il faut s‘apitoyer, se scandaliser, se gausser ou se désespérer d’entendre tant de belles âmes dire leur désarroi à l’idée que le Pape puisse, à la faveur d’un synode redouté, jeter la doctrine avec l’eau du bain. Est-il exagéré d’affirmer qu’une majorité du peuple croyant, qui a dit en temps et heure ses espérances, se range désormais au côté d’une majorité du corps épiscopal pour "faire confiance" à l’Esprit Saint et au pape François. Même si, ici et là, certains évêques commencent à exprimer, en privé, leur crainte que l’immobilisme ne finisse par l’emporter.
La grille de lecture du "sensus fidei"
Qu’écrire sur le sujet qui n’ait déjà été martelé en tous sens ? Peut-être que le cœur du débat repose sur ce que la théologie catholique la plus classique appelle le sensus fidei, ce "bon sens de la foi" que possède tout baptisé, du fait même de son appartenance au Christ et de la présence, en lui, de l’Esprit Saint. Un bon sens de la foi qui, depuis longtemps déjà, conduit un nombre grandissant de fidèles, et parmi les plus pratiquants, à ne plus comprendre le lien existant entre l’Evangile et telle ou telle prescription du magistère. Pour prendre ce seul exemple, souvent évoqué à propos du synode en cours, comment comprendre l’insistance du Christ sur le pardon et le refus obstiné de l’Église à admettre les divorcés remariés au sacrement du même nom ?
"Avertis par leur sensus fidei, les individus croyants peuvent aller jusqu’à refuser leur assentiment à un enseignement de leurs pasteurs légitimes s’ils ne reconnaissent pas dans cet enseignement la voix du Christ, le Bon Pasteur". Nous y sommes ! Or ce texte ne provient pas de quelque officine séditieuse dans l’Église mais de la très officielle Commission théologique internationale qui vient de consacrer au sensus fidei une étude tout à fait stimulante à défaut d’être toujours convaincante. La publication de l’ouvrage tombe à propos comme le soulignent d’ailleurs ses auteurs, en introduction, lorsqu’ils écrivent que son objet est de "(…) trouver une réponse à certaines questions, en particulier celles qui ont trait à l’identification du sensus fidei authentique dans des situations de controverse, lorsque par exemple il existe des tensions entre l’enseignement du magistère et des points de vue qui prétendent exprimer le sensus fidei". Lire la suite sur le blog de René Poujol