Paul est l’auteur d’un blog sur la théologie du corps. Sur les Cahiers Libres, il réagit à la publication des interventions de théologiens allemands, français et suisses réunis pour préparer le prochain synode sur la famille.
La Conférence des évêques allemands a publié les interventions qui ont servi de base de réflexion aux évêques allemands, français et suisses, dans leur préparation au prochain synode sur la famille. Les médias ont qualifié cette rencontre de "shadow synod", comme s’il s’agissait de préparer un plan de bataille. En réalité, les contributions des théologiens invités à s’exprimer sont assez variées ; de plus, il ne faut pas déduire hâtivement de ces propositions la position desdits évêques, qui disposent d’une faculté de pensée autonome…
Puisque, comme les évêques, nous sommes appelés à réfléchir à ces questions, je vous propose une analyse dont, si elle est parfois critique, j’espère qu’elle est juste.
Les paroles de Jésus sur le mariage et le divorce
A.-M. Pelletier, théologienne française, propose une réflexion sur l’échange de Jésus avec les pharisiens à propos du divorce (en Mt 19, 3-12). Voici la pointe de son argument :
"Non seulement, en effet, Jésus énonce un principe qui le singularise absolument dans le monde juif de son temps […]. Mais, plus encore, en interdisant la répudiation, Jésus ose interdire ce qu’autorise Moïse. L’audace dépasse de beaucoup un rigorisme moral (…). Par sa prise de position, Jésus se désigne bien plus radicalement comme le prophète eschatologique inaugurant le temps du Royaume. Dès lors, le texte vaut comme révélation sur sa personne. Il énonce la nouveauté du temps où, en Lui, est restitué un accès à la vérité de l’origine, qui peut désormais se déployer. Le lien conjugal, tel qu’il est ici évoqué, est donc en liaison étroite avec la vocation que reçoivent ceux qui, par le baptême, seront plongés dans la mort et la résurrection du Christ. Dès lors que l’exigence est détachée du don baptismal, la parole de Jésus devient un rigorisme, qui risque de se changer en piège pour les couples.
Il y a bien là, semble-t-il, un élément déterminant pour une réception juste de Mt 19 […]. La tradition catholique de l’indissolubilité se fonde, en effet, sur ce texte lu sur un mode essentiellement disciplinaire, au détriment de son contenu kérygmatique. Et cela, alors même que ce dernier est souligné par le parallèle que le texte fait ensuite avec le célibat pour le Royaume (…)."
Cet argument me semble problématique à plusieurs titres :
– Certes, Jésus se révèle ici comme "maître de la loi". Or, Il ne le fait pas pour l’abolir, mais pour en dénoncer une lecture littérale/légaliste qui permet de la contourner à peu de frais.
– A.-M. Pelletier détache cet "avènement" de Jésus comme Christ du fond de son discours : de son propos, il faudrait ne retenir que le fait qu’il est nouveau, décalé. Mais en aucun cas que Jésus rejetterait catégoriquement le divorce…
– Enfin, A.-M. Pelletier semble suivre plusieurs théologiens qui séparent radicalement la dimension baptismale de notre expérience de sa dimension naturelle : finalement, l’injonction contre le divorce ne concernerait que les baptisés. Autant pour les semina Verbi ! Je crois, quant à moi, que la grâce vient parfaire la nature et n’impose nulle exigence que la nature – une fois guérie du péché – ne saurait assumer, qui ne lui serait connaturelle. Lire la suite sur les Cahiers Libres