Plusieurs milices chrétiennes se sont constituées pour combattre Daesh. Elles font face à des défis considérables…
En tenue de camouflage, les recrues marchent au pas dans une base militaire proche de l’aéroport de Bagdad en chantant "Ya Mariam" (Oh Marie), rapporte Le Figaro. Ces chrétiens irakiens appartiennent aux "Brigades de Babylone" sous commandement chiite. De l’autre côté du territoire du pseudo État islamique (EI), dans le Kurdistan irakien, au Nord du pays, des chrétiens – en armes eux aussi – se sont constitués en milices au sein des Forces de la plaine de Ninive.
Contraints de s’allier
Ces chrétiens, surtout issus de la région de Mossoul, se retrouvent donc à se battre pour des formations militaires aux intérêts bien différents. Car si la violence de l’autoproclamé État islamique pourrait faire oublier les autres points chauds du Moyen-Orient, les Kurdes d’Iran ont un long passé de conflits avec le pouvoir chiite de Téhéran et ses milices – celles-là mêmes qui constituent le fer de lance du combat contre l’EI au Sud de l’Irak ! C’est sous leur autorité que les militaires qui scandent "Ya Mariam" partiront à l’assaut des djihadistes. Les combattants chrétiens sont donc disséminés entre des armées aux antagonismes de longue date : ils sont les vestiges de l’unité irakienne conservée sous l’autorité du Parti laïque Baas.
Un ami de James Folley parmi les combattants
Matthew Van Dyke, un ami des journalistes James Foley et Steven Sotloff, assassinés par l’EI, a décidé de se débarrasser du pseudo califat, qu’il appelle "ce fléau de l’humanité". Il a monté Sons of Liberty International, une association qui finance l’entraînement de miliciens chrétiens des Forces de la plaine de Ninive. L’association a le mérite de permettre des contacts directs entre Occidentaux et les miliciens chrétiens. En effet, si leur présence parmi les peshmergas kurdes est fortement médiatisée par le gouvernement du Kurdistan irakien, leur utilisation sur le théâtre réel des opérations n’est à notre connaissance pas avérée. Ils ne semblent être employés que comme une armée de réserve, jamais confrontée au feu, et qui ne pourrait par conséquent pas revendiquer d’avoir participé à la reconquête de leur territoire ancestral, la plaine de Ninive.
Les relations entre chrétiens et Kurdes ne sont historiquement pas aussi faciles que pourrait le laisser entendre la situation actuelle, et le "tous contre Daesh", affiché par tous les protagonistes de ce jeu compliqué. Les Kurdes lorgnent depuis longtemps sur la plaine de Ninive. Le témoignage des familles chrétiennes irakiennes à ce sujet est aussi éclairant qu’inquiétant (Aleteia). Or, la présence d’une milice chrétienne aguerrie, pouvant revendiquer des victoires sur l’ennemi commun, pourrait constituer un obstacle sérieux aux revendications territoriales du Kurdistan.
Aux côtés des chiites
À l’inverse, les chiites n’ont pas le même problème politique que les Kurdes à utiliser les chrétiens dans leurs troupes. Il n’y a pas de population chiite importante dans la plaine de Ninive, et les revendications des chrétiens leur seraient plutôt utiles contre leurs rivaux sunnites (rappelons que les Kurdes sont très majoritairement sunnites). Ils ont une guerre de conquête à mener et un grief plus certain que les Kurdes d’Irak à l’égard de l’organisation État islamique : ils ont donc besoin d’hommes. Les chrétiens sont motivés et ils courent exactement le risque inverse de leurs frères qui combattent au Nord. Ils pourraient être employés comme "premières lignes" dans les combats difficiles qui se profilent pour la conquête de l’Irak sunnite.