Nouvelle grève et manifestation des enseignants, sondages sans appel, tribune co-signée par trois anciens ministres de l’Éducation nationale… Décidément, la réforme du collège pose problème.
60% des Français avaient approuvé la grève des enseignants du 19 mai qui avait réuni des syndicats de tous bords (le Snes-FSU, majoritaire dans l’enseignement secondaire, le Snep-FSU, le Snalc classé à droite, FO, la CGT et Sud) représentant ensemble 80% des votes des enseignants du collège (Sud Ouest). La publication du décret d’application de la loi au lendemain de cette grève a ulcéré les enseignants (Aleteia) dont les syndicats appellent à de nouvelles manifestations jeudi 11 juin dans toute la France (Le Télégramme). Ils dénoncent "une usine à gaz qui ne fonctionnera pas", "une rupture du principe d’égalité républicaine", le "mépris permanent des enseignants", "un phénomène de courtisans et de clientélisme qui va se mettre en place" (La Dépêche).
La mobilisation ne sera peut-être pas à la hauteur de l’opposition des professeurs du secondaire à la réforme que révèle un nouveau sondage commandé à l’IFOP par SOS Éducation : "74% des enseignants interrogés se déclarent opposés à la réforme, soit plus encore que l’ensemble des Français (61%), et 73% déclarent soutenir le mouvement de grève annoncé par une intersyndicale pour jeudi 11 juin", résume Le Figaro. Ce sont donc près de trois enseignants sur quatre qui réclament l’abrogation de la réforme du collège et soutiennent la manifestation du 11 juin, "ce soutien étant particulièrement fort dans les rangs des enseignants en collège (77%) et chez les professeurs de lettres (78%) et de langues (80%)" constate l’IFOP.
"Nivellement par le bas"
La mesure la plus impopulaire est la suppression des classes européennes (87% des enseignants se disent contre), suivie par la suppression des options latin et grec, et par la mise en place des "enseignements pratiques interdisciplinaires" (contre : 74%). Quant aux nouveaux programmes, ils sont jugés éloignés de la réalité scolaire par 58% des enseignants, et surtout incompréhensibles tant ils sont jargonnants (73%). Sur l’ensemble du panel, 76% des enseignants jugent que cette réforme va "niveler par le bas le niveau global des collégiens", 74% déclarent qu’elle "ne contribuera pas à réduire l’échec scolaire en France"… et seuls 19% espèrent que la réforme "améliorera la situation globale du collège" !
L’image de la ministre de l’Éducation nationale se trouve atteinte auprès des enseignants : alors qu’après la rentrée, Najat Vallaud-Belkacem bénéficiait d’un capital d’opinions favorables ou neutres auprès de 78% des enseignants (sondage IFOP-SOS Éducation septembre 2014), ils sont aujourd’hui 57% à déclarer avoir d’elle une mauvaise ou très mauvaise opinion. C’est particulièrement fâcheux pour le Parti socialiste, qui bénéficie traditionnellement d’une forte base électorale dans le corps enseignant, et plus encore pour les deux têtes de l’exécutif qui ont fait de Najat Vallaud-Belkacem une sorte d’icône : elle est le "chouchou" de François Hollande et de Manuel Valls, constate Closer.
"Pour un collège de l’exigence"
Pour enfoncer le clou (bien que l’on ne se souvienne pas qu’ils aient eux-mêmes brillé à ce poste), trois anciens ministres de l’Éducation nationale, François Bayrou, Jean-Pierre Chevènement et Luc Ferry (respectivement au centre, à gauche et à droite) et trois intellectuels ("pseudo intellectuels", avait lâché Najat Vallaud-Belkacem), Pascal Bruckner, Jacques Julliard et Michel Onfray (classés à gauche), ont lancé une pétition nationale "Pour un collège de l’exigence !", destinée à François Hollande :
"Quatre éléments sont pour nous fondamentaux, écrivent les signataires :
1. Nous affirmons que la plus efficace des réformes du collège est celle de l’école primaire, puisque les difficultés du collège naissent à l’école primaire.
2. Nous défendons les langues vivantes. Nous n’acceptons pas que les classes européennes, bi-langues, internationales, soient rayées de la carte. Ces classes relèvent d’une pédagogie particulière. On les supprime, on ne les remplace pas. Prétendre imposer précocement deux langues vivantes à tous les élèves, quand une large partie d’entre eux peine à maîtriser le français et la première langue, est un leurre.
3. Nous affirmons la légitimité des langues anciennes. Nous n’acceptons pas que le latin et le grec, qui ont fait le socle de la culture et de la pensée françaises, qui forment les racines de notre langue comme de la langue scientifique mondiale, disparaissent en tant qu’options offertes dans tous établissements, dotées d’un horaire garanti.
4. Nous défendons des programmes clairs et compréhensibles par tous, loin des jargons indécents. Les programmes doivent partir de notions solides et fixer des objectifs clairs et atteignables. Le programme d’histoire en particulier doit proposer des repères chronologiques et ne peut réduire à de seuls traits négatifs ou facultatifs la civilisation européenne et l’héritage des Lumières."
"Le gouvernement peut continuer à faire la sourde oreille et se montrer intraitable sur cette question du collège", commente Causeur, mais "en période d’instabilité économique, sociale et culturelle, nul ne peut prévoir quelles en seront les conséquences, pas même nos gouvernants".