Un soutien pour le moins inattendu : le clergé égyptien copte s’oppose à la peine de mort de Mohammed Morsi et d’une centaine de membres des Frères musulmans.
Du fond de sa prison, l’ancien chef de l’État égyptien Mohammed Morsi vient de recevoir un soutien inattendu. Lui, le champion des Frères musulmans, organisation qui n’a jamais caché son hostilité à l’égard des minorités religieuses (Aleteia), se voit protégé par le clergé des coptes égyptiens, dont il a pourtant ouvertement et à plusieurs reprises souhaité la disparition.
Le peuple égyptien approuve la condamnation
Mgr Kyrillos William, évêque copte-catholique d’Assiout, dans une déclaration relayée par l’agence Fides, s’afflige de constater que ses compatriotes semblent approuver la décision de la justice égyptienne, condamnant à mort une centaine de militants des Frères musulmans dont l’ancien chef de l’État : "Le peuple n’a pas oublié les souffrances subies lorsque M. Morsi était président. […] L’Église, ajoute Mgr William, respecte l’indépendance de l’autorité judiciaire, mais estime que la vie est un bien inviolable dans tous les cas, et demeure opposée à la peine de mort". Le sort du condamné repose à présent entre les mains du grand mufti l’al-Azhar, l’une des plus anciennes universités islamiques, située en Égypte. Celui-ci pourra, le 2 juin, confirmer la sentence prononcée par la justice ou décider de la commuer en d’autres peines moins sévères comme la détention à perpétuité.
Opposé à une "logique vétéro-testamentaire"
Avec cette prise de position, Mgr Kyrillos William est rejoint par les Frères musulmans eux-mêmes, qui soutiennent leur ancien champion, élu démocratiquement et déchu par un coup d’État militaire. Mais le prélat n’en dénonce pas moins l’hypocrisie de ces nouveaux opposants à la peine de mort. Quand le président Hosni Moubarak, déposé par la révolution égyptienne, avait été condamné à la prison à perpétuité, les Frères musulmans au pouvoir avaient réclamé un nouveau procès pour obtenir sa mise à mort.
Citant le cas de l’épouse d’un ministre qui était venue rencontrer le clergé copte, il se souvient avoir plaidé en faveur d’une autre issue que la peine capitale, ce qui l’avait mise en colère : "Selon elle, Moubarak devait payer de sa vie les fautes graves qu’il avait commises". À cette occasion, conclut Mgr William, "j’ai pu faire l’expérience directe de la différence entre le regard chrétien, qui accueille les critères de la miséricorde et de la compassion, même dans la pratique judiciaire, et une mentalité que je pourrais qualifier de "vétéro-testamentaire", où n’est pris en compte que la logique du œil pour œil et dent pour dent".
Le feu couve en Égypte
Bien que la situation des coptes se soit considérablement améliorée depuis l’arrivée au pouvoir du général al-Sissi, des bandes de gangsters se réclamant des Frères musulmans continuent à s’en prendre à la minorité chrétienne. Les enlèvements contre rançons, en particulier, demeurent fréquents. Le dernier en date remonte à moins d’une semaine : le 20 mai 2015, quatre jeunes coptes ont été capturés par un groupe exigeant l’équivalent de 70 000 € pour les relâcher. Une opération de police est parvenu à libérer les otages et au moins deux des ravisseurs ont été arrêtés. Les ex-otages racontent avoir subi de mauvais traitements physiques et avoir été constamment menacés de mort si leurs familles ne versaient pas la rançon. Cet épisode, parmi d’autres, explique l’attachement des coptes égyptiens au gouvernement d’al-Sissi, synonyme d’ordre dans le pays. Sans la présence d’un pouvoir autoritaire, ils se savent voués à la vindicte des "fous d’Allah" et des pillards sans scrupules.