Les réformes des programmes d’histoire au collège se suivent et se ressemblent, accélérant la déconstruction, selon la logique des thèmes idéologiquement sélectionnés, dénonce Gabriel Privat, professeur d’histoire.
Dès leur annonce, les projets de nouveaux programmes d’histoire et de géographie au collège n’ont pas cessé de susciter la polémique dans l’opposition conservatrice et libérale, mais également à gauche.
On accuse le ministre de l’Éducation nationale de vouloir brader l’histoire, de détruire la chronologie, de préparer une génération d’incultes privés d’identité nationale, de minorer les hauts faits du passé de la France pour mettre en avant les "heures sombres" prétextes à l’auto-flagellation. Enfin, on l’accuse d’abîmer la jeunesse par pure idéologie. Le ministre dénonce l’exagération et présente le retour de la chronologie dans une histoire jadis enseignée sous des angles excessivement thématiques au détriment de la logique des époques. Qu’en est-il vraiment ?
Les programmes d’histoire en vigueur
Pour y voir plus clair, observons déjà les programmes du collège en vigueur entre la rentrée 1997 et 2010, puis ceux qui prirent le relai de 2010 à aujourd’hui et enfin le projet qui pourrait bien être mis en place pour la rentrée 2016. En somme, tâchons de voir à quelle sauce furent mangés les collégiens nés entre 1986 et 2005 pour ceux qui arrivent, soit deux générations d’élèves.
Choisissons les programmes de deux classes témoins, la 5e et la 4e, puisque c’est contre eux que les polémiques actuelles sont les plus violentes, la naissance de l’islam et la chrétienté médiévales étant étudiées en 5e, les Lumières et la traite négrière en 4e.
1997 : encore un minimum de chronologie
En 1997, les programmes validés par Alain Juppé, François Bayrou et Jacques Chirac, prévoyaient en 5e une étude de l’Empire byzantin, de la naissance de l’islam et de l’Empire carolingien en Europe, afin d’offrir un panel complet du monde méditerranéen et européen du VII e au IXe siècle. Les Mérovingiens étaient déjà les grands oubliés puisque non vus en 6e.
L’élève et son professeur opéraient ensuite un bond de quatre siècles pour se retrouver dans l’Europe chrétienne du XIIIe siècle. Ainsi, la fin des Carolingiens, la naissance du Saint-Empire romain germanique, la naissance de l’État capétien étaient presque oubliés. Ce thème, sous le titre de l’Europe chrétienne, se concentrait sur le rôle social et culturel de l’Église et les cadres politiques et sociaux de l’Europe, c’est-à-dire la féodalité. Le chapitre portait sur les campagnes, avec en plus l’étude de quelques villes en pleine croissance comme Bruges ou Venise, le tout saupoudré d’une petite croisade et d’un zeste de guerre de Cent ans.
S’appesantissant sur la période, deux heures étaient prévues pour résumer la constitution de l’État et l’accroissement du royaume de France du Xe au XVe siècle, après avoir passé sept heures sur les cadres sociaux. En effet, Mesdames, Messieurs, vous ne le saviez pas, mais le Bulletin officiel prévoit non seulement les sujets à étudier, mais aussi la manière dont ils doivent l’être et le volume horaire qu’il convient de leur attribuer. Le ministre a beau jeu, ensuite, de parler de liberté pédagogique…
Mais ne boudons pas notre plaisir, pour l’heure, un minimum de chronologie était respecté. Lire la suite sur Liberté politique