Malgré les bombardements de la coalition, Daesh poursuit sa progression en Syrie et en Irak dont les forces gouvernementales sont en déroute. Les États-Unis sont contraints de réviser leur stratégie.
Palmyre est tombée entièrement aux mains du pseudo État islamique (EI) qui a conquis la moitié de la Syrie. Outre sa valeur symbolique de trésor du patrimoine culturel mondial, cette ville revêt une importance stratégique pour l’EI. La déroute de l’armée syrienne – dont de nouveaux stocks d’armes sont à présent aux mains des islamistes –, menace à présent Damas. En outre, Palmyre ouvre sur le grand désert syrien, limitrophe de la province d’Al-Anbâr en Irak, que Daesh contrôle déjà en grande partie. Les djihadistes ont conquis la capitale de cette province, Ramadi, dimanche dernier, dont 40 000 habitants ont fui précipitamment.
Réunion internationale d’urgence à Paris
Tout le Moyen-Orient est menacé. "Une conquête totale d’Al-Anbâr permettrait à l’EI de renforcer sa présence aux confins de la région de Bagdad, de la Syrie, de l’Arabie saoudite et de la Jordanie. En outre, le groupe est désormais maître de la quasi-totalité des champs pétroliers et gaziers de Syrie" (Le Parisien).
En Occident, on sonne le tocsin. "Face aux avancées inquiétantes de l’EI en Syrie comme en Irak, le gouvernement français a annoncé mercredi la tenue, le 2 juin, d’une réunion internationale à Paris. Selon une source diplomatique, 24 ministres ou représentants d’organisations mondiales y participeront, dont le secrétaire d’État américain, John Kerry" (Le Monde). Va-t-on assister à une révision totale de la manière de combattre l’État islamique ? "Les États-Unis (…) ont dit procéder à un "réexamen" de leur stratégie en Irak après la chute de Ramadi" (Le Figaro).
Une guerre religieuse et ethnique
La communauté internationale semble réaliser soudain que Daesh n’est pas qu’une organisation terroriste et qu’on ne pourra pas en venir à bout par des raids et des bombardements. Dans la population, une partie des sunnites préfère, entre deux maux, les djihadistes, sunnites comme eux, aux "hérétiques" chiites ou alaouites… et aux "croisés" occidentaux dirigés par l’Amérique qui a détruit leur pays. Par exemple, instruite par le comportement des "libérateurs" chiites de Tikrit, la population sunnite de Ramadi n’a rien de bon à attendre d’une éventuelle reconquête de la ville par les milices chiites se substituant à la défaillante armée irakienne. Quant à l’armée syrienne en déroute, il y a longtemps que la grande majorité de ses soldats, sunnites (tandis que les cadres sont alaouites), l’ont désertée.
Les dirigeants des États sunnites du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et le Qatar, préfèrent armer Daesh, même si la créature leur échappe, contre les chiites alliés de leur grand ennemi, l’Iran et de son protégé syrien, le régime alaouite. Le jeu de la Turquie, très majoritairement sunnite, n’est pas moins ambigu. Les djihadistes y trouvent une base arrière accueillante.
L’Occident s’est auto-intoxiqué
L’Occident a tellement proclamé qu’il ne s’agissait pas d’une guerre de religion en Syrie et en Irak, qu’il s’est auto-intoxiqué. Or la composante religieuse et ethnique est essentielle chez tous les protagonistes de ce conflit, comme elle le fut naguère dans l’ex-Yougoslavie. Va-t-on finir par l’admettre, le 2 juin, à Paris ? Et d’ailleurs, que faire en Syrie comme en Irak ? "Le problème n’est pas militaire mais politique. Il n’y a aucun projet politique dans cette région. Que fait-on après Bachar ? En Irak, c’est pareil, quel type de régime met-on en place ? Comment s’attaque-t-on aux milices tribales ?", s’inquiète l’islamologue Mathieu Guidère interviewé par Challenges.
La Russie sollicitée par l’Irak
Boudée par les Occidentaux à cause du conflit ukrainien, la Russie, autre alliée de la Syrie, pourra difficilement être tenue à l’écart d’une ébauche de solution politique dans cette région. D’ores et déjà, les dirigeants irakiens ont suivi l’exemple du régime syrien : "Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi s’est rendu à Moscou pour demander une aide militaire russe" (Le Figaro). Décidément, il y a de la recomposition dans l’air…