La médiocre mobilisation des enseignants en grève ce 19 mai n’intimidera pas le gouvernement. Mais nombre de revendications ne portaient pas sur le cœur du problème : le bien des collégiens.
23,4% des enseignants de collège en grève selon le ministère (27,62% en collège public, 6,75% des profs en privé), ou 50% selon le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) (Le Monde), peu importe. Il aurait fallu un raz-de-marée pour faire reculer le gouvernement. "Je suis confiant, cette réforme va être mise en œuvre comme c’était prévu, et le décret sera publié le plus rapidement possible", a déclaré le Premier ministre.
Des revendications disparates
Les Français consultés sont 60% à trouver "justifiées" les manifestations, dont 44% de sympathisants de gauche et 77% de droite (Libération). Mais pas forcément pour les mêmes raisons. C’est l’autonomie grandissante des collèges qui préoccupe les syndicats (Le Figaro), à savoir la possibilité laissée à chaque collège de fixer 20% de son emploi du temps dès la rentrée 2016 (20 minutes). Bref, un coup de canif dans le "collège unique" qui a pourtant plombé l’Éducation nationale depuis quatre décennies. Si "l’interdisciplinarité (croisement de deux matières au sein d’un même cours) et l’autonomie accrue des établissements sont les deux points les plus critiqués par les syndicats", "les professeurs d’allemand et de langues anciennes se mobilisent, eux, contre la suppression des options latin/grec et des classes bilangues (deux langues étrangères dès la sixième)" (RTL). Le gouvernement a donc beau jeu de surfer sur l’hétérogénéité des revendications (Le Huffington Post).
Huit revendications essentielles
Il y a pourtant des revendications fort cohérentes et qui portent sur l’essentiel. Les AFC en comptent huit :
1. Que les parents apparaissent comme les "premiers et principaux éducateurs" et non seulement comme "les auxiliaires de l’Éducation nationale" ;
2. Que les "Enseignements pratiques interdisciplinaires" (EPI) ne tombent pas "dans de l’occupationnel, au détriment de l’acquisition des savoirs fondamentaux" ;
3. Que le latin et le grec ne soient pas sacrifiés "au rythme d’une heure en 5e et de deux en 4e et 3e" (pour mémoire, deux heures existent en 5e et 4e et trois heures en 3e, actuellement) ;
4. Que ne soient pas supprimées au nom d’un refus idéologique de "l’élitisme" les classes européennes ou bilangues alors que "ces filières permettent aux élèves les plus doués de sortir du lot et d’avoir une chance d’accéder à un bon lycée" ;
5. Que les programmes des matières scientifiques qui ne seront plus établis par année mais pour l’ensemble du cycle 4 (5e à la 3e) tiennent compte des élèves changeant de collège en cours de cycle : "Sur quelles connaissances les professeurs de lycée pourront-ils s’appuyer avec des élèves venant de collèges différents ?" ;
6. Que le français au lieu de transmettre une culture vivante, ne soit pas traité comme un "outil de communication" faisant fi du travail sur les conjugaisons, l’orthographe ou la syntaxe ;
7. Que l’Histoire ne se contente pas d’aborder des thèmes successifs et qu’on ne renonce pas, comme le prévoit explicitement la réforme, à l’enseigner de manière continue. "Les thèmes choisis ne s’enchaînent pas de manière logique ne permettant pas de comprendre les causes qui ont abouti à telle conséquence historique. Nombre de thématiques privilégiées sont de nature compassionnelle, l’accent étant mis, par exemple, sur les génocides, l’esclavage, ou les empires coloniaux suivant l’esprit de repentance qui a cours. Il s’agit là d’une vision de l’Histoire plus émotionnelle que raisonnée n’aidant pas l’élève à accéder à une compréhension dynamique et logique" ;
8. Dernier point mais non des moindres : "Les SVT abordent la reproduction sexuée avec le programme suivant : contraception, prévention des MST, spécificités de la sexualité humaine par rapport aux autres mammifères. On aurait pu espérer que les adolescents apprendraient comment se conçoit un enfant et comment se déroule une grossesse à un moment de leur cursus. Il n’en est rien. Les jeunes des générations à venir ne l’apprendront ni au collège, ni en 1ère, où ce thème est à nouveau traité. Comment peut-on espérer qu’ils puissent ainsi accéder à une sexualité de dialogue et de respect plutôt qu’à une sexualité de consommation de l’autre ?".
À quand une vraie rupture avec le "pédagogisme" ?
Plusieurs de ces demandes s’adressent, à vrai dire, autant à l’actuel gouvernement qu’à ceux qui l’ont précédé… et à ceux qui se préparent à l’alternance en promettant qu’ils abrogeront la réforme du collège. À quand une vraie rupture avec le "pédagogisme" et la contre-culture soixante-huitarde que la droite s’est empressée d’emprunter à la gauche ?