Après quatre ans de conflit, la Syrie aiguise toujours les appétits internationaux des donneurs de leçon, et les prises de position partisanes de la France ne la grandissent pas, regrette le polytechnicien Michel Pinton.
Une politique digne de la France cesserait de prendre parti pour des factions, mais protégerait l’ensemble du peuple syrien pour qu’il puisse souverainement préserver ses intérêts. Les élections départementales ont dominé l’actualité politique de cette semaine. J’étais tenté de leur apporter ma part de commentaires (après tout j’ai un peu d’expertise en la matière) lorsque mon attention a été attirée par un autre événement, qui a été fort peu remarqué : la guerre de Syrie entre dans sa cinquième année. Je suis obligé de choisir la Syrie. Le supplice qu’elle endure est pour moi, comme pour beaucoup de Français, une hantise.
Que pouvons-nous faire pour montrer notre solidarité ? Les actions charitables, comme celles de l’Œuvre d’Orient, soulagent quelques misères. Mais elles sont incapables de mettre un terme au conflit, qui est de nature politique. C’est donc sur le plan politique que nous devons essayer de peser. Notre pays a-t-il encore assez de force et d’influence pour y prendre une part déterminante ? Et sous quelle forme ? C’est ce que je veux examiner.
Le médiocre plan français
Notre gouvernement s’est fixé une ligne de conduite que Laurent Fabius vient de rappeler : il veut d’abord arracher l’abdication de Bachar el-Assad. Le dictateur de Damas, « boucher de son propre peuple » (l’expression est de Manuel Valls), est indigne de demeurer à la tête de l’État syrien. L’y laisser ne serait pas seulement une faute morale.
Notre ministre des Affaires étrangères y voit aussi une erreur politique : « Le remettre en selle serait un cadeau scandaleux, gigantesque aux terroristes de Daesch. » Pourquoi ? Parce que « des millions — je dis bien des millions — de Syriens qui ont été persécutés par lui, se reporteraient (sic) pour soutenir Daesch. C’est évidemment ce qu’il faut éviter ». Une fois le tyran abattu, tout deviendra aisé : il suffira d’organiser « une transition politique qui préserve les institutions du régime et intègre l’opposition ». L’apaisement viendra aussitôt. Tel est le plan « raisonnable et réaliste » auquel notre gouvernement donne ses efforts.
Il est tentant de rappeler qu’en fait de réalisme, notre gouvernement s’est trompé dans toutes ses prévisions passées. Mais ne nous arrêtons pas à cette critique facile. Essayons d’analyser chacune des étapes de son plan. J’y discerne non pas un cheminement vers la paix mais un mélange confus d’interventionnisme brutal et de manœuvres médiocres qui conduisent à davantage de violence et de misère. L’influence et la force de la France sont, je le crois, mises au service d’une politique détestable.
Arrogance impériale
Commençons par l’éviction de Bachar-El-Assad. Nos dirigeants la justifient par les crimes affreux dont « le boucher de Damas » se serait rendu coupable. Les jugements moraux ne sont pas interdits en politique étrangère mais ils doivent être pesés avec beaucoup de circonspection. Les guerres civiles sont toujours cruelles et il est sans exemple qu’un camp en ait le monopole, même si une propagande habile n’a pas de mal à égarer les opinions publiques étrangères.
Les conflits yougoslaves ont été présentés à l’Occident comme une suite de massacres exécutés par la soldatesque serbe contre d’innocentes populations bosniaques puis kosovares. Les enquêtes minutieuses et impartiales menées ensuite par le Tribunal pénal international ont prouvé que plusieurs des accusations portées contre les Serbes étaient infondées et que leurs adversaires avaient eux aussi les mains sales.
Nous ignorons la vérité sur les abus commis en Syrie. La meilleure façon de le savoir, c’est de remettre les dossiers réunis par notre gouvernement à ce même Tribunal international, qui a été mandaté, par une convention dont la France est signataire, pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. François Hollande aurait été bien inspiré de le faire, par exemple, lorsqu’en 2013, une attaque au gaz sarin a tué des civils innocents près de Damas. Il a préféré désigner précipitamment Bachar el-Assad à la vindicte publique, sans apporter aucune preuve de sa culpabilité, et ordonner une « sanction » militaire sous forme de bombardements. Lire la suite sur Liberté Politique