Le 19 mars, lors de l’étude du nouveau projet de loi sur la santé, les députés ont voté en commission la suppression du délai de réflexion avant l'IVG, malgré l’opposition du ministre de la Santé, Marisol Touraine. Un rapport d’information déposé à l’Assemblée nationale le 18 février par deux députés socialistes proposait, inter alia, cette suppression ainsi que celle de la clause de conscience des médecins.
Au dire des rapporteurs, Catherine Coutelle (PS, Vienne) et Catherine Quéré (PS, Charente-Maritime), ces deux propositions de suppression d’articles seraient censées améliorer la santé des femmes. Dans leurs recommandations, les députés affirment que ce délai est « infantilisant », qu’il fait « perdre une semaine » et qu’il fait de l’IVG « un acte médical à part », alors que c’est « un droit
normal ». L’amendement visant à supprimer la clause de conscience spécifique des médecins pour l’IVG, a pour sa part été retiré, mais la question va revenir lors de la discussion du texte le 31 mars.
Le délai de réflexion
À l’évidence, les parlementaires oublient que la liberté de choisir nécessite la possibilité de réfléchir, de peser le pour et le contre. L’acte impulsif et irréfléchi n’est pas libre. Il n’est donc pas infantilisant de pousser une personne à réfléchir avant d’agir, surtout si elle ne peut revenir sur son acte.
Selon les rapporteurs, le délai de réflexion obligatoire avant l’avortement en ferait un droit à part, laisserait penser « que ce n’est pas un droit normal ». C’est une réflexion absurde, car il n’y a rien de plus normal en droit qu’un délai de réflexion. Le délai de réflexion ou le droit de rétractation accompagnent presque tous les droits que les Français possèdent. Pour les choses les plus simples comme l’achat de biens dans le commerce ou la signature d’un contrat, le code de la consommation prévoit que « le consommateur dispose d'un délai de 14 jours calendaires révolus pour exercer son droit de rétractation ».
Un droit courant
De même, dans le domaine médical, le patient a également droit à une information claire (article 10, 2 de la Convention européenne des droits de l’homme) et à un délai de réflexion pour tous les actes médicaux pratiqués sur lui, sauf bien évidemment en cas d’urgence vitale.
Les rapporteurs affirment « qu’aucun délai de réflexion n’est imposé pour les autres actes médicaux » avant de lister… trois exceptions : l’aide à la procréation médicalement assistée, la stérilisation à visée contraceptive et la chirurgie esthétique où le patient doit disposer d’un délai de réflexion d’au moins 15 jours. Et les députés constatent même que pour toute opération chirurgicale, « les médecins doivent laisser un délai de réflexion à leurs patients afin qu’ils puissent prendre leur décision en toute connaissance de cause ». La Cour de cassation a rappelé en 2010 que s’il n’y a effectivement pas de délai de réflexion précis pour le patient, « le chirurgien doit […] laisser un temps de réflexion au patient suffisamment long pour que ce dernier puisse mûrir la décision et recueillir, s’il le désire, d’autres avis chirurgicaux ou d’autres informations ».
Le délai de réflexion ne met pas la « demande d’IVG » à part, mais devrait permettre à la femme de mûrir un choix sur lequel elle ne pourra jamais revenir. Ce délai de réflexion est d’ailleurs commun en Europe. L’Allemagne, les Pays-Bas et le Portugal imposent un tel délai. L’Italie offre une semaine de réflexion à la femme enceinte, la Belgique six jours, et l’Espagne trois jours. Ainsi, en supprimant le délai de réflexion pour la femme enceinte souhaitant avorter, le droit français protègerait mieux le client regrettant l’achat d’un livre, qu’une femme regrettant son geste. Lire la suite sur Liberté Politique