L’agression d’une nonne de 75 ans secoue le pays, confronté à une augmentation dramatique des cas de viols, mais aussi de violences antichrétiennes.
Le 13 mars, six hommes pénétraient dans une école catholique attenante au couvent de Jésus-et-Marie près de la ville de Ranaghat, à quelques kilomètres de Calcutta, et mettaient à sac les locaux, bâillonnant le garde, frappant puis ligotant deux religieuses de la petite communauté avant de violer la troisième, la supérieure du couvent. Ils volaient également de l’argent liquide appartenant à l’école et s’emparaient d’un ordinateur portable et d’un téléphone mobile, rapporte Église d’Asie. La police a qualifié ces exactions de simple « cambriolage », malgré une série de profanations. Les malfaiteurs ont en effet vandalisé l’église, lacérant les bibles, brisant les statues et emportant même le ciboire contenant des hosties consacrées.
Colère et impuissance
La minorité chrétienne subit depuis plusieurs années des actes de malveillance de plus en plus nombreux face auxquels les autorités se montrent peu réactives. Les responsables de l’école affirment, par exemple, qu’ils avaient averti la police des « menaces » qui pesaient sur leur institution, mais rien ne semble avoir été fait pour les protéger. Suite au drame, des processions de chrétiens, rejoints par des adeptes d’autres religions du pays, se sont spontanément formées pour manifester leur solidarité avec la victime mais aussi pour réclamer que les autorités rendent justice. Malgré ces manifestations, beaucoup craignent que l’émotion suscitée par cette affaire soit stérile, comme cela avait été le cas en 2012 après le viol et le meurtre d’une étudiante à Delhi.
Un problème culturel
Cette affaire avait à l’époque secoué le pays et un documentaire sur le sujet avait même été tourné. Il avait cependant été partiellement censuré car il comprenait l’interview de l’un des cinq violeurs, Mukesh Singh, qui expliquait avoir agi selon les principes de la culture indienne. Le problème culturel lié au statut des femmes en Inde a été dramatiquement résumé par la journaliste Ritu Sharma, dans un article posté sur Ucanews : « Nous pouvons protester contre les violences faites aux femmes jusqu’à en perdre la voix. Nous pouvons demander des sanctions plus dures pour les bourreaux. Nous pouvons critiquer nos leaders pour ne pas avoir réussi à nous débarrasser du fléau du viol. Mais cela n’empêchera pas le viol de persister ni la cruelle vérité d’éclater à nos yeux : en Inde, les difficultés d’une femme commencent dès sa conception. Sa faute ? C’est tout simple ; elle n’est pas un homme ».
« Nettoyer l’Inde des étrangers musulmans et chrétiens »
Or la religion hindoue, fièrement revendiquée par le Premier ministre Narendra Modi et son parti, le BJP, présente en ce moment une figure particulièrement inquiétante. Un prédicateur comme Rajeshwar Singh, dirigeant du Dharma Jagran Manch (le forum d’éveil à la foi), peut déclarer sur l’une des chaînes d’information de la télévision nationale que son organisation s’est fixé jusqu’à 2021 pour « nettoyer l’Inde des étrangers musulmans et chrétiens » sans être inquiété. Les lois contre l’incitation à la haine religieuse, pourtant fréquemment employées contre des pasteurs ou des imams, ne sont pas invoquées, et certains membres du BJP ont même publiquement soutenu Singh.